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Photo de couverture : © Mélanie Lumsden
Par Alessia De Salis
Après 12 heures de char, dont une nuit à Baie Comeau où nous rencontrons un Népalais de Katamandu qui a ouvert un resto-bar, nous arrivons à Sept-Îles. Nutashkuan approche. Un arrêt au WalMart pour me faire dire : « T’es pas exactement courte toi ! » Et pourtant, plus je longe la côte nord plus les femmes sont grandes et fortes. Les femmes innus.
4 heures plus tard, nous arrivons à Nutashkuan, à la dite maison. Le chiwawa de Mme Charlotte et Marie Ida nous accueille en s’étouffant au bout de sa laisse. Personne n’est à la maison, sauf la nièce qui nous invite à rentrer, puis qui quitte aussitôt.
« - Charlotte est à la messe mais vous pouvez rentrer. »
Nous nous retrouvons seules dans cette maison inconnue. Nous choisissons de débarquer tout notre stock. D’abord les 6 caisses de bouffes, mes raquettes pour aller jouer dehors et le matos pour les jeunes. Nos chambres sont au sous sol. Et c’est la que nous nous installons incertaines. Nous trouvons le gros congélo où nous entreposons notre surplus de bouffe. Dedans, patte de caribou, lièvre, saumon, et un castor entier !
Mme Charlotte arrive à 7h00 toute suite après la messe. Une petite dame au visage rond plissé qui sourit avec ses yeux. Immédiatement, nous sommes réconfortées. Charlotte sait faire les plus belles mitaines qu’il y a, en deux jours seulement et en chantonnant.
Il fait noir dehors, je verrai Nutashkuan demain. Nous nous lèverons très tôt pour aller à la rencontre des profs et des jeunes qui partent le jour même en tournois de Hockey pour Baie Comeau. La grosse affaire. Tout le monde y va. Presque. Une petite gang reste a Nutashkuan. Et nous les attraperont au passage ; Facebook, la radio et des rencontres dans les corridors. Mais surtout, le souvenir des années passées qui traine dans les mémoires et rassemble les jeunes pour une nouvelle aventure. Mais avant de se lancer dans le travail un dimanche Cinéma pop corn avec les jeunes. Écrasés dans les gros matelas colorés nous chillons avec les jeunes. D’eux-mêmes, ils vont chercher des jouets de cirque et retrouvent leur habilités sans aucun effort, un sourire plein la face.
Mais la mission spectacle se rapproche… Inspirer les jeunes à jouer à des jeux et essayer de nouveaux trucs, c’est une autre histoire. À chaque accomplissement, un rejet. À chaque moment de bonheur, un retour à la provocation. Le défi est de saisir chaque petit moment d’ouverture pour rebondir ailleurs. On se fait tester. À maintes reprises. ‘’Yo ! c’est Gay’’. Trouver comment créer un espace de confiance, avec des limites claires mais toute la liberté d’expression possible !!??
Malgré des moments improvisés de semi discipline, les jeunes reviennent chaque jour.
- Stratégie patience : on fait comme si on n’entendait pas vraiment les insultes et le chialage ;
- Stratégie entente : On discute ensemble des choses à faire et on se met d’accord avec les jeunes sur le déroulement de l’atelier ;
- Stratégie faux départ : On pack les petits et on se prépare à partir. On les invite à partir aussi sauf si ils sont prêts à travailler avec nous en équipe. (quand ca devient plus rough) ;
- Stratégie change de voix : On se donne le relais pour ne pas toujours avoir la même voix qui résonne dans le gymnase ;
- Stratégie Facebook : On parle avec eux sur Facebook pour les valoriser ;
- Stratégie Calinours : On leur donne plein d’amour et on les transporte sur nos épaules pour les faire virevolter dans l’espace ;
- Stratégie 1, 2, 3 Soleil : On réussi à monter des scènes en intégrant de nouveaux règlements à de bon vieux classique de jeu. Ca marche !! Une pyramide, une scène de chasseurs !! Wow c’est efficace. Nous sommes tous pris au jeu !
J’en passe…
Lentement, la résistance se transforme en sourire, puis en accomplissement. Lentement un spectacle prend forme, mais surtout, on voit les jeunes repartir bras dessus, bras dessous après les ateliers. C’est surement cela le plus touchant… Et leur simple présence. Ils choisissent d’être là. À l’école. Au gymnase. Avec nous. Entre eux.
Aujourd’hui, c’est la fête à Manion. Elle est venue et a fait tout l’enchainement du spectacle. Même si n’oublions jamais que : ‘’C’est Gay’’. On lui a donné un biscuit géant pour sa fête. Elle l’a partagé avec tout le monde. Sans hésiter. Sans calculer. Sans calculer. Ici, on oublie de compter. On prend quand ça passe... Les sourires cachés faut savoir les voir, les fuck you teintés de peur faut savoir les réconforter. Les « je m’en fous » faut savoir les respirer pour mieux les récupérer… Parce que dans le fond, ils sont là. Juste ça, ça vaut mille fois plus que des petits mots lancés par habitude. On creuse dans ces habitudes avec des pelletés de médiation culturelle et intellectuelle pour trouver caché en dessous de tout, un trésor de potentiel de 1000 carats. Ca brille. Sur scène mardi soir, toute la communauté le verra.
Le programme Trickster est soutenu par le Ministère de la Culture et des Communications du Québec et la Fondation Québec Jeunes.