Quand le travail rencontre l'esprit critique de la rue

Quand le travail rencontre l'esprit critique de la rue

Chaque semaine, les médiateurs disposent de pistes de réflexions, visuelles et philosophiques, afin de monter sur mesure des ateliers éveillant l'esprit critique et la participation citoyenne de nos participants. Nous vous partageons aujourd'hui les coulisses d'un atelier, depuis sa conception jusqu'à sa mise en oeuvre.

Par Daniel Blémur, médiateur idAction Mobile

L’atelier est structuré comme suit : 3 œuvres, peintures et photographies, sont offertes au regard et à l’analyse des participants, et sujettes à la discussion.

Imprimée en grand format, placardée à un panneau de liège, l’œuvre de Gustave Courbet, « Les casseurs de pierre » (1849), lance la médiation : que voyez-vous ?

Les Casseurs de pierre, Gustave Courbet, 1849

« Des mineurs! » « Ils recherchent de l’argent, non? » « Ils travaillent fort… » Ce tableau a fait scandale lors de sa parution. Étonnant, non? Aujourd’hui ça ne choquerait personne… Mais peux-tu deviner pourquoi? « Je le sais pas… » « Ah ouais, ÇA, ça a fait scandale ? » « Des gens ordinaires… » Oui! Des gens ordinaires, précisément. Courbet a fait scandale en faisant descendre la peinture de son piédestal, en lui faisant peindre autre chose que des rois et des reines, autre chose que des cardinaux et des aristocrates, autre chose que des grands évènements historiques ou bibliques. Sa révolution dans la peinture, c’était de peindre des travailleurs : c’était de dire « les travailleurs aussi sont des sujets dignes d’être peints ». « Eille, intéressant… » « Ouais parce que dans c’temps-là, on peignait juste les ‘grands de ce monde’, mais pas les petits… »

Sur papier glacé cartonné, une photographie d’une gravure sur pierre. Au centre, un homme placé sur un dispositif de torture, le tripalium. Autour, en Espagnol, « Bendito sea el trabajo. Dad gracias al Señor. » (« Béni soit le travail. Rendez grâce au Seigneur. ») Saviez-vous que ce qui est là, cet instrument de torture s’appelait le tripalium, et que « tripalium » est l’origine étymologique du mot travail ? Drôle d’association, non, entre le travail et la torture ?

Le tripalium

Sur le même support, une dernière photographie : l’entrée d’Auschwitz, avec l’inscription « Arbeit macht frei » (« le travail rend libre »). Qu’en pensez-vous? C’est plutôt sinistre non, comme ironie ? Mais en dehors de l’ironie, que pensez-vous de la phrase en tant que telle ? Est-elle vraie ? Et comment combiner cette association travail/liberté avec l’association travail/torture de l’image précédente?

L’atelier a été conçu, d’abord en se référant à la thématique de la semaine proposée par Dorothée, puis en puisant dans des contenus déjà élaborés dans le cadre d’idAction (Courbet avait été utilisé pour des ateliers « Art et changement social » à Listuguj), et enfin en proposant aux bénévoles d’y joindre leurs réfléxions (c’est la bénévole Maxine qui suggère « tripalium », cette origine particulière du mot travail). Cette conception de l’atelier avec les bénévoles permet déjà d’établir une chimie, une ligne commune, une compréhension des objectifs et des pistes thématiques possibles pour la médiation du jour. La confiance va déjà bon train.

Premier arrêt Atwater. Les premiers participants demandent des chaussettes, s’intéressent aux bouquins. « What do you think of this painting ? » Réaction mitigée du participant, d’origine jamaïcaine. Pour lui, ce sont des trucs d’Européens, non susceptibles de l’intéresser. Savais-tu que Courbet avait été un militant socialiste, qui avait notamment été député dans la Commune de Paris, ce grand soulèvement ouvrier et tentative d’auto-organisation ? Non, il ne le savait pas, mais déjà Courbet est un peu moins une affaire de white people, de colonisateurs jugés comme le mal tout court. Peut-être que la culture européenne n’est pas exclusivement une affaire de vainqueurs ?

Dans le métro, un participant croit reconnaître des mineurs du Yukon, me semble-t-il. Pourquoi pas? Auschwitz lui parle beaucoup. « My grandmother was there. » On échange sur les horreurs du nazisme. Mais cette phrase sur le travail, qu’en penses-tu ? « I think it’s true. I think working makes you free, but it is also a form of slavery, or torture. It’s difficult to say. » La philosophie est là, dans cette difficulté, dans cette impossibilité de trancher tout uniment, avec facilité. Pas pour notre prochain participant, par contre, assis dans l’escalier au niveau du métro : « Working makes you free ? I don’t think so. This is freedom right here, what you’re seeing now, that’s freedom. » Ça fait 20 ans qu’il est dans la rue, dans le secteur précisément. Il en a suivi les évolutions, les bouleversements. Est-ce que ça a changé ? « Oh yes, it has changed. » Plus de drogues, plus de violences : le secteur est devenu un peu plus difficile.

 

"Le travail rend libre", Auschwitz

Prochain arrêt, Ste-Catherine. Assis sur le coin, un monsieur est rapidement entouré du musée mobile. Courbet ? Intéressant, mais c’était vraiment d’époque, aujourd’hui ça ne choquerait plus personne. Mais c’est quelque chose de montrer les petits. Le travail ? Il a travaillé longtemps, oui. Ça rend libre ? En quelque sorte, de nos jours, il faut de l’argent pour s’acheter des trucs, et il faut travailler pour en obtenir. Mais lui, ça fait 20 ans (lui aussi!) qu’il est dans la rue, et il se considère beaucoup plus libre qu’à l’époque où il travaillait comme un déchaîné. Il y a beaucoup de jobs de merde, et une job de merde, c’est pas la liberté. Pas mal plus proche de la torture, en fait.

Daniel Blémur (C)Exeko

Arrêt suivant, toujours sur Ste-Catherine. Un monsieur d’origine arabe, en chaise roulante ; il lui manque une jambe. La journée est difficile, il n’a pas trop envie de participer. On lui présente le projet idAction mobile, ses options et disponibilités. « Quand vous voulez monsieur, un livre, un cahier de notes… » « Non merci, pas cette fois, mais peut-être une autre fois… » La sollicitude et le respect témoigné à son égard semble déjà amenuiser la souffrance initialement apparente. Une minute après c’est la rigolade.

En face de la rue, assis devant le AppleStore, un tout jeune homme. Courbet ? Vraiment intéressant! Ça l’allume… Tripalium, origine tortueuse et torturante du mot travail ? « C’est drôle, ça me fait penser à… t’sais là, sur les portes d’entrée des camps de concentration… » Éclat de rire et de joie collectif. Je montre la troisième photo. « Ayoye! Malade! Avouez que j’suis pas pire, hein? J’suis pas pire à faire des liens ? » On acquiesce tous en riant. Son voisin de cellule en prison était allé visiter Auschwitz, et lui avait conté la chose. Ils avaient même décidé de graver la phrase célèbre sur le mur de leur cellule.

Dernier participant, un peu plus loin sur Ste-Catherine. « C’est vraiment intéressant… » La phrase revient à deux ou trois reprises, marquant à chaque fois le plaisir de la découverte. « Eille merci beaucoup, merci beaucoup de venir m’apprendre ces choses-là… » La force vivifiante de l’exercice de l’esprit…

http://exeko.org/idaction-mobile

 

 

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  • « By engaging with people on a deep level, we see Exeko reinvigorating individual spirit to rebuild society in a new way. Exeko's work is not about small projects, but about achieving full social inclusion at a systemic level. [...] we believe that Exeko will reach a level of systemic impact with Quebec, Canada and the world within 5-10 years. »

    Elisha Muskat, Executive Director, Ashoka Canada

  • « Its goal? To develop reasoning, critical thinking, logic, and increase citizen participation of these marginalized groups. »

    Caroline Monpetit, Le Devoir (free translation)

  • «  I write my thoughts in my head, not on paper, and my thought is not lost. »

    Participant @PACQ

  • « Why use paper when it is as beautiful as this? »

    One of the co-creator for Métissage Urbain

  • « I Have my own identity ! »

    Putulik, Inuit participant, Métissage Urbain

  • « It is terrible for a society to ignore people with such talent! »

    Hélène-Elise Blais, les Muses about ART and ID projects

  • « Art has the advantage to make people talk about abilities rather than limitations, when confronted with an intellectual disability.  »

    Delphine Ragon, Community Programs Manager, Les Compagnons de Montréal

  • « Over the past few years, we have been seeing more and more high quality productions by people with an intellectual disability who truly are artists.  »

    Julie Laloire @AMDI

  • « Exeko implements creative solutions to several problematic, gives a voice to those we don't hear and hope to the underprivileged. »

    Bulletin des YMCA

  • « Its goal? To develop reasoning, critical thinking, logic, and increase citizen participation of these marginalized groups. »

    Caroline Monpetit, Le Devoir (free translation)

  • « ...empowering the children, and giving them confidence »

    APTN National News

  • « It’s a great program for children to learn about their traditions and to increase their interaction with Elders in the community. »

    Erika Eagle, Social Development Assistant with Waswanipi Brighter Future

  • « We are not higher, we are not lower, we are equal. »

    Simeoni, participant idAction Mobile

  • « Receving is good, but giving is better »

    Participant idAction@Kanesatake

  • « They're both people. We're not looking enough after people with problems, and mostly with mental health issues. Then we would have more people able to work. »

    Participant, idAction@Accueil Bonneau

  • « What better way to strengthen intergenerational ties? [...] A meeting between peers, a place for expression, learning and recovery »

    Chantal Potvin, reporter at Innuvelle

  • «  I don't know everything, but while reading it, it always bring me one step closer »

    A participant, idAction Mobile

  • «  By engaging with people on a deep level, we see Exeko reinvigorating individual spirit to rebuild society in a new way. Exeko's work is not about small projects, but about achieving full social inclusion at a systemic level. [...] we believe that Exeko will reach a level of systemic impact with Quebec, Canada and the world within 5-10 years. »

    Elisha Muskat, Executive Director, Ashoka Canada

  • «  ...empowering the children, and giving them confidence »

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  • «  I was completely alone today, thanks for talking to me »

    Elie, participant @idAction Mobile

  • «  They're both people. We're not looking enough after people with problems, and mostly with mental health issues. Then we would have more people able to work. »

    Participant, idAction@Accueil Bonneau

  • «  Today, the power acquired through knowledge is more far-reaching than knowledge itself. »

    André Frossard

  • « By engaging with people on a deep level, we see Exeko reinvigorating individual spirit to rebuild society in a new way. Exeko's work is not about small projects, but about achieving full social inclusion at a systemic level. [...] we believe that Exeko will reach a level of systemic impact with Quebec, Canada and the world within 5-10 years.»
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    Caroline Monpetit, Le Devoir (free translation)
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