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Par Clara, bénévole pour idAction Mobile
Différences entre mes représentations des missions d’Exeko et du travail du médiateur :
Lundi, nous nous sommes arrêtés à trois stations de métro, Sherbrooke, Berri/UQUAM et Atwater. Personne au premier, une personne (« La Grenouille ») au deuxième et plusieurs personnes au dernier, dont principalement des personnes autochtones. En montant dans le camion, j’ai eu une grosse montée de peur : et si je n’étais pas capable d’aborder ces personnes ? Mes préjugés ne vont-ils pas m’aveugler ? Qui suis-je pour aller leur parler de philosophie alors que ces personnes ne sont pas auto-suffisantes dans leurs besoins « primaires » (un gîte et un couvert) ? Quelle légitimité ai-je? J’ai pris ma peur et je l’ai coupé en deux pour l’étudier : je n’avais pas peur de leur situation, mais tout simplement d’aller vers l’inconnu !
Et cet inconnu, c’est mon voisin, c’est un parent, c’est moi. J’ai arrêté la machine à représentation dans ma tête et remis le compteur à zéro. Partir avec l’Exeko était un moyen hyper efficace pour cela. En effet, l’organisme n’a pour vocation de répondre aux besoins primaires. Nous ne sommes pas dans une relation unilatérale (je donne un repas, une boisson, etc. et point final), mais bien dans un échange. Et qui aurait dit que je recevrais autant que je donne ?!
Le mercredi, nous nous sommes arrêtés devant le Provigo sur l’avenue Parc, à l’arrêt Mc Gill, ainsi qu’au refuge des Projets autochtones du Québec (PAQ). Beaucoup plus de monde de présent (heure différente ? Lieux différents ?). Et qui dit médiateur différent, dit approche différente ! Nous sommes partis sur la thématique du langage et de la pensée :
La pensée précède-t-elle la parole ? Ou inversement ?
Nous avons eu plusieurs réponses (ou non !). Selon certains la parole vient avant la pensée, et est liée au développement avec autrui, ou encore que le langage vient naturellement. Pour reprendre les termes de Dominique, « la pensée motrice » précède le fait de parler, mais « est liée au développement de l’enfant ». Pour Eva, « il est difficile [pour elle] d’exprimer en anglais [ses] émotions profondes en anglais, car c’est [sa] langue maternel qui vient naturellement ». Il ressort que le langage est lié aux autres qui nous entourent. Alex évoque l’exemple de l’enfant sauvage, grandissant hors de la civilisation. Nous évoquons de même le langage de signe, différent ou non du langage parlé ? Nous partons ensuite au refuge, pour proposer un atelier découpage/collage.
Alexandra avait récupéré des magasines et tout le matériel nécessaire : plusieurs personnes sont venues naturellement vers la table pour se mettre à créer. D’autres ont été plus réticentes, sont venues jeter un œil, puis se sont installés. Cette animation a beaucoup plus à certains, qui ont créé une sorte de roman photo autobiographique.
Atelier collage (C) Exeko
Je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. Des mots tels que « inclusion », « culture », ou encore « participation citoyenne » restaient ancrés, mais l’intervention du médiateur et la réalité de terrain me semblaient encore floues. J’ai été agréable surprise par le discours, par l’approche avec laquelle les médiateurs abordent « les personnes en situation d’itinérance ». J’ai eu l’impression à chaque fois, de voir une bulle se créer autour du médiateur et de la personne, une bulle de partage, une bulle de confiance et d’échange. Une bulle d’égalité.
Différences entre mes représentations de la vie dans la rue et la réalité
Lundi : une des thématiques de la journée était l’expertise de la ville et la créativité déployée des personnes en situation d’itinérance afin de vivre dans la rue, dans cette « jungle » dixit Mike. Certains ont leurs « spots », certains se battent même pour le conserver, on nous explique que certains lieux sont plus favorables pour la quête. M. nous explique ses relations avec autrui, son souhait de rester seul, un autre décrit ses passages à l’hôpital. Une situation qui m’a marqué plus que les autres : parler capitalisme, assis tous les 4 à l’entrée/sortie d’une station de métro et d’un centre commercial, à regarder les gens passer devant nous, les regarder d’en bas. J’ai eu l’impression d’avoir deux mondes : celui de la personne au sol, statique, celle du bas et celui de la personne qui marche mouvante et très rapide, là haut, tellement haut ! La discussion était si vraie, si réfléchie, que je n’avais qu’une seule envie, arrêter les gens pour qu’ils puissent rentrer dans notre bulle. Prendre 5 minutes pour discuter avec cet homme qui avait une vision si claire de notre société. A quand des groupes de paroles dans le métro ?! J
Mardi : A Mc Guill, un homme curieux de notre action est venu me demander un livre. Il explique qu’il vient de l’Alberta, qu’il avait une blonde avec des tendances suicidaires, « l’amour de sa vie » et qu’il l’a persuadé de rentrer chez ses parents pour se soigner. Il n’a pas de nouvelles depuis. Lundi à Berri, M. (se définissant « alcoolique ») explique qu’il a persuadé un jeune en situation d’itinérance d’aller en centre pour personnes ayant des dépendances. Je suis bluffé par les gestes citoyens qu’ils réalisent. Dire à « l’amour de sa vie » ou à son ami de le quitter pour toujours pour se soigner, aurai-je la sincérité, le courage de faire cela ? J’imagine encore les yeux bleus de l’homme de l’Alberta. Une vraie leçon… Au refuge, pendant qu’Alex découpait des perroquets/femmes enceintes ou des femmes aux perruques improbables, un homme d’une quarantaine d’années et venu me parler de « la bonne parole » selon ses termes.
Se déclarant « catholique évangélique », il m’a expliqué sa position face à au bien et au mal, face à la « bonne religion » et à la mauvaise (« chamanisme », « voyance », « satanisme », etc.). Au départ, j’étais plutôt septique face à son discours et à ce Jésus qu’il nommait si souvent. Mais derrière son discours, j’ai senti autre chose : son souhait de « faire le bien » autour de lui omniprésent dans son quotidien, son souhait de transmettre ses valeurs, ainsi que son optimisme face à ce monde si dur.
Atelier collage au PAQ (C) Exeko
Différences entre maintenant et avant l’Exeko
D’avoir participé à deux journées, ainsi que d’être allée à la présentation de l’organisme ainsi qu’hier soir à la soirée organisée par le Groupe de Recherche en Objectivités Sociales sur le croisement de la médiation culturelle et du travail social m’a réellement ouvert une perspective totalement nouvelle de mon intervention en tant que travailleur social...