Car leur joie est contagieuse…
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Par Marie Pierre Gadoua, médiatrice idAction Mobile
Mais que devrait donner un enfant à une personne en situation d’itinérance qu’il croise sur son chemin ? Nous avons posé la question à Jonassie. En guise de réponse, il nous a raconté un rêve qu’il a fait dernièrement, au cours duquel il se trouvait au paradis, entouré d’enfants qui lui posaient des tas de questions, sur tout et sur rien. « C’était merveilleux ! », nous a-t-il confié. Nina, bénévole à bord ce soir-là, lui a alors demandé si c’était ça, pour lui, le paradis. D’être ainsi bien entouré. Sa réponse fut un immense sourire, les yeux dans l’eau.
Jonassie est Inuk. Dans la culture inuite, les enfants sont au centre de l’attention, ils sont chéris sans retenue par tous les membres de la communauté. Alors qu’ils grandissent et apprennent à devenir adultes, ils sont appelés à se référer aux aînés détenteurs de connaissance et de sagesse. Jonassie est l’un d’entre eux. Il est artiste-sculpteur, mais c’est surtout un chasseur d’expérience. Le plus beau souvenir qu’il a de sa vie au Nunavik, nous a-t-il dit, est de partir à la chasse au phoque et de ramener assez de nourriture pour la partager avec tout le village – surtout avec les enfants.
Ce genre d’histoires heureuses, où les enfants jouent un rôle clé, nous en entendons régulièrement lors d’échanges avec les participants d’IdAction Mobile. Et elles appellent au défi d’amener à bord cette magie dont seuls les enfants détiennent le secret. Hélas, l’univers de la rue à Montréal n’est pas toujours propice aux rencontres entre ces tout-petits curieux et avides de contacts humains, et les personnes en situation d’itinérance. Et pourtant, de tels contacts apporteraient tant à ces jeunes citoyens et aux personnes marginalisées.
Heureusement, ce type de défi est justement ce à quoi carbure la caravane de médiation intellectuelle d’Exeko! Les deux mondes ont été réunis durant le temps des fêtes, à la demande d’un petit lutin de 7 ans qui a insisté auprès de sa maman-médiatrice pour qu’elle distribue des cadeaux lors de sa route le soir du 25 décembre. Et c’est ainsi qu’IdAction Mobile s’est retrouvé dans une classe de première année du primaire, afin d’y mener un atelier de dessins de Noël destinés aux participants.
Pauline et Marie Pierre (C) Exeko
Avant la production des petits chefs-d’œuvre, nous nous sommes interrogés avec les élèves sur ‘les sans-abris’ : « Qui sont les itinérants ? », « Que font-ils là ? », « Pourquoi n’ont-ils pas de maison ? », « Pourquoi demandent-t-ils des sous ? », « Devrions-nous leurs en donner ? ». Tant de questions à répondre avec tact, et surtout avec cette impression que chaque réponse allait potentiellement faire une grande différence pour ces jeunes et vifs esprits si malléables, mais Ô combien déjà critiques.
Une heure de création frénétique et une quarantaine de dessins plus tard, les enfants nous ont confié avoir aimé cette expérience « gros comme la Terre », « gros comme le Soleil », « à l’infini » et même « plus loin que l’infini ! ».
Le soir du 25 décembre, nous avons donc distribué les cadeaux à bord de la caravane d’Exeko, en prenant soin de bien préciser leur origine. Chaque enfant avait signé son œuvre, et attendait de pied ferme à savoir qui aurait reçu la sienne.
Il est difficile de trouver les mots justes pour décrire l’effet que ces dessins ont eut auprès des participants. Chaleur, réconfort et joie, sans doute. Étonnement, aussi, de voir que des enfants inconnus pensent à eux. Et surtout, une grande reconnaissance envers ces derniers. Plusieurs participants ont affirmé spontanément qu’ils garderaient pour toujours ces précieux cadeaux. Et de fait, en les recroisant ces jours-ci, près d’un mois plus tard, ils nous en parlent encore.
Artiste à l'oeuvre (C) Exeko
« Je l’ai donné à mon fils ! Il l’a adoré. » Un participant rencontré au Métro Atwater.
« Je l’ai mis sur mon frigo, il ne bouge pas de là ! Je le regarde souvent.» Un intervenant au refuge du PAQ.
« Je l’ai pris en photo et montré à ma mère qui habite la Nouvelle-Écosse, et dont je m’ennuie beaucoup. Elle était impressionnée de ce beau cadeau que j’ai reçu. » Calvin, un de nos participants les plus assidus.
La semaine dernière, nous avons offert un des quelques dessins restants à Jonassie. Très reconnaissant, il nous a confié qu’il ne s’en séparerait jamais lui non plus. Pour sa part, son ami Benjamin s’en est inspiré pour nous dessiner son coin de pays sur la Terre de Baffin, et pour nous parler un peu de chasse au phoque sur la banquise.
Benjamin (C) Exeko
Dans quelques jours, nous retournerons dans la classe des petits artistes, afin de leur raconter les chemins qu’ont pris leurs dessins. Sans doute ne verront-ils plus jamais les ‘sans-abris’ de la même façon, et qu’ils sauront communiquer leur joie contagieuse quand leurs chemins se croiseront.