La rue : un défi pour tous
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Par Vincent Gosselin, bénévole sur idAction Mobile
Au moment d’écrire ces lignes, je me rends compte à quel point une prise de note après chaque séance de médiation aurait été utile, car j’ai oublié dans quel état d’esprit je me trouvais en débutant. Quelles étaient mes appréhensions, mes incompréhensions? Je ne m’en rappelle plus. J’ai toutefois des réflexions concernant la réalité des Autochtones dans les rues de Montréal, j’espère qu’elles vous seront utiles! Chaque anecdote contée se termine par une idée censée faire spinner votre mental.
Deux Inuit assis dans le portique d’un établissement fermé calent une bouteille de bière king-size, un Nunavummiut « Y » nouvellement arrivé à Montréal et une Nunavimmiute « X » vivant ici depuis plusieurs années. L’atmosphère est plutôt tendue et Y, en état d’ébriété, insiste avec agressivité pour que nous lui donnions 5 dollars et bouscule fréquemment X. X est accueillante et souriante, nous discutons de tout et rien et nous lui offrons du matériel artistique. Dans notre quotidien, nous avons tendance à ignorer ces personnes, car avant d’établir un contact avec elles, leurs comportements nous semblent antisociaux. Pourtant, on sentait chez Y un fort besoin de sortir de sa carapace, de converser de personne à personne. Mon désir d’apprendre l’inuktitut, un peu d’intérêt pour ses origines et la coordination du travail en équipe avec Daniel et un autre bénévole ont d’abord fait passer cet homme à un mélange de rejet, d’acceptation et d’hésitation. Ultimement, nous avons complètement désamorcé son agressivité. Son regard s’est adouci et il a laissé entendre qu’il aurait préféré être sobre pour entretenir une conversation authentique. Merci les Grands-mamans tricoteuses, je vous accorde une grande partie du crédit. Vos bas de laine en ont réconforté plus d’un!
Un Inuk que nous avons rencontré sait sculpter la pierre à savon, fabriquer des meubles et pratiquer certaines activités traditionnelles de son peuple. Son attitude est amicale, mais l’enfer qu’il vit l’a complètement désillusionné. Il tient à nous rappeler, de temps en temps, qu’il n’est pas naïf : « Tu veux voler notre langue pour nous prendre nos ressources, notre territoire et faire une tonne de fric à notre détriment. » Ouille! Matière à sérieuse réflexion pour chaque parti concerné.
(c) Eric Armet
Un soir de semaine, nous passons à la station de métro Atwater pour socialiser, faire de l’art et philosopher. Toutes les personnes en situation d’itinérance de l’endroit sont éfouèrées en groupes de deux à différents points et on ne sait pas trop s’ils sont amorphes, intoxiqués ou fatigués. Pendant cette nuit, la socialisation est brève et superficielle, on leur offre un café avant de partir. Au même endroit, mais durant une autre semaine, ils viennent nombreux autour de nous, on dessine, on échange et on discute vivement. C’est presque une fête et on se sent particulièrement apprécié. Dans la plupart des cas, s’intéresser à leur langue et à leur culture accélère la prise de contact et on se sent plutôt privilégié.
Pendant cette même journée, une partie de notre médiation s’est déroulée auprès de … policiers! Ils voulaient d’abord nous sermonner sur l’importance de ne pas oublier de déchets par terre, mais Mathieu a habilement détourné la conversation vers la complémentarité des rôles du policier et du médiateur. En fait, la police et le personnel de la STM nous apprécient particulièrement, car en notre présence, les personnes agitées cessent d’intimider les passants et de casser des bouteilles, ils deviennent calmes et on peut leur parler de personne à personne. Vous l’aurez compris, nous ne recourrons à aucune force ni à aucune autorité. J’espère sincèrement que cette complémentarité des rôles se développera et que ce genre d’observation en aidera plusieurs à réaliser que l’usage de la force est faible et de portée limitée.
De toutes ces situations, il ressort clairement que les Inuit de Montréal ont besoin qu’on les reconnaisse comme personnes et en tant que collectivité avec ses valeurs distinctes. À mon avis, cela signifie concrètement que notre société devra leur accorder un espace pour fonctionner exclusivement à leur manière ou presque, dans un cadre qu’ils définiront entre eux. Je crois aussi que cet espace devra être conçu pour court-circuiter les possibles incompatibilités avec notre société.
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