Par admin : 05/05/2014 - 10:31
Par Marie Pierre Gadoua, médiatrice idAction Mobile
À bord de la caravane philosophique d’Exeko, nous avons la chance de côtoyer dans une même soirée des gens de cultures et d’identités autochtones (et aussi non-autochtones) extrêmement variées. Algonquins, Atikamekw, Cris, Innus, Inuit, Mi’kmaq, Mohawk, Ojibwé, et j’en passe, font partie des participants avec qui nous travaillons régulièrement, et ce simultanément. Une situation unique, si nous pensons aux distances qui séparent habituellement leurs communautés d’origine sur le territoire québécois et canadien. Avec notre outil qu’est la médiation culturelle et intellectuelle, ces rencontres représentent une opportunité pour réfléchir ensemble à d’importantes questions sur la culture et l’identité, leur définition, leur expression et leur transmission, ainsi que la perception d’autrui et les relations (et absence de relations) interculturelles dans le milieu urbain que nous partageons.
Afin de stimuler ces discussions et de les partager avec le public, idAction Mobile a débuté il y a deux semaines une collaboration avec le Musée McCord, en lien avec son exposition permanente mettant de l’avant sa collection des Premiers Peuples du Canada, intitulée « Porter son identité ». Nous avons créé un catalogue qui présente une sélection d’objets du McCord, afin de provoquer des discussions sur l’identité (en avons-nous une seule ou plusieurs ? Comment la/les définir ?), les traditions du passé et celles du présent (préserver ou renouveler ?), le changement et les transformations culturelles (sont-elles souhaitables ? si oui, comment ?), le rôle des musées (usurpateurs ou protecteurs ?), et bien d’autres questions complexes et passionnantes. Aussi, nous proposons aux participants qui le veulent bien de partager leurs réflexions et témoignages avec le public. De faire entendre leur voix, quoi. C’est sur le site internet du Musée McCord que vous pourrez voir éventuellement le fruit de ces ateliers, en lien avec l’exposition permanente et la collection des Premiers Peuples.
Un petit avant goût ? La semaine dernière, en regardant la photo d’un parka féminin (amauti) hautement décoré de perles, une participante inuit rencontrée au refuge du PAQ nous a expliqué, dessin à l’appui, la signature des femmes son village (Kangiqsualujjuaq) quant à la façon de coudre les perles sur leurs kamiik (bottes en peau de phoque). Avec un groupe de femmes inuit rencontrées au Métro Atwater, et qui sont originaires des Territoires du Nord-Ouest, du Nunavut et du Nunavik, nous avons eu une discussion animée sur leurs divers styles d’uluit (couteaux féminins de forme semi-circulaire), objets du quotidien indispensables (une des participantes nous a même montré le sien, tout droit sorti de son sac à main), mais aussi un symbole identitaire marquant pour les femmes inuit contemporaines. Couper de la viande et affirmer son identité en même temps ? Bien oui, justement, me disent-elles avec aplomb, mais avec un air quand même un brin songeur.
http://www.mccord-museum.qc.ca/scripts/imagedownload.php?accessNumber=ME...
Aussi, il y eut un grand intérêt à propos des objets non-inuit, ceux des Premières Nations, une curiosité que nous avons tenté de satisfaire avec l’aide des autres participants présents à ce moment. En regardant des images de raquettes provenant de diverses communautés de Premières Nations du Québec, une des participantes nous a confié que son père les collectionne, et qu’il en a un très grand nombre provenant des quatre coins de la province. Ah oui ? Un homme inuit qui collectionne des objets traditionnels des Premières Nations ? Pourquoi pas, me dit-elle. Évidemment que ça se peut, pourquoi suis-je étonnée.
http://www.mccord-museum.qc.ca/en/collection/artifacts/ACC1148.1-2
Parlant d’étonnement, saviez-vous que les aurores boréales, en plus d’être magnifiques visuellement, émettent des sons et que les femmes inuit du Nunavik les imitent dans leurs chants de gorge ? Cette information que nous avons apprise dernièrement, nous avons décidé de la partager avec les participants, et d’en profiter pour leur demander s’ils ont des histoires et croyances propres à leur culture, à propos de ce phénomène.
de petites images d'aurores boréales et un peu de réflexion à laisser aux participants...
Chez les Inuit de la région d’Igloolik au Nunavut, les aurores boréales sont causées par les esprits des morts qui jouent au ballon (une sorte de ‘football’ inuit) avec des crânes de morse. Rien de moins. Pour sa part, un participant cri rencontré au refuge du PAQ nous a expliqué que ce sont les esprits qui dansent, mais qu’il faut se méfier des aurores car elles peuvent nous enlever et nous emporter à jamais. D’ailleurs, il ne faut surtout pas imiter leurs bruits pendant leur manifestation céleste, en frottant nos ongles ensemble, par exemple, car cela pourrait provoquer notre perte. Leurs bruits sont en fait une sorte de claquement . Tout le monde craint les aurores, à ses dires, même les chiens. Ces derniers se cachent et on n’en entend plus un japper dans la communauté lorsque ces lumières envahissent le ciel. Un participant Ojibwé, qui s’est joint à notre conversation, nous dit que pour sa part, il ne les craint pas, mais que d’y penser lui rappelle la première fois qu’il en a vu, un moment magique vécu avec sa grand-mère au Labrador. Un Ojibwé au Labrador ? Bien oui, que son ami me répond, les Ojibwé sont partout, ma chère, même que ce dernier vient en fait de la Floride ! Ah, ok… Floride, Labrador, pourquoi pas. Encore une fois, je suis déstabilisée et j’en apprends.
Ce bel échange interculturel sur les aurores boréales s’est terminé en beauté lorsqu’un des participants m’a relancé la question : Et toi, Marie-Pierre ? Comment parle-t-on des aurores boréales dans ta culture ? Silence radio de mon côté… Aucune idée ! Un peu honteuse, je lui ai promis de faire une recherche et de lui revenir là dessus. En fait, la recherche, je l’avais déjà faite, mais sans m’en rendre compte. Nous, dans notre culture, on en parle avec la science. Internet regorge de sources à cet effet. Mais la science (astronomie, physique, météorologie et autres), peut-elle être perçue comme une croyance culturelle, une histoire, une façon d’appréhender le monde et de se le raconter ? Vous pouvez-être certaine que je vais soulever la question avec les participants lors de ma prochaine route !
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