Par Eponine : 07/28/2020 - 11:59
Maude Blanchet-Léger a rejoint l'équipe pour l'été aux projets et communications et nous propose le premier article de sa chronique "sur le terrain", une succession de publications prévues chaque semaine qui nous plongeront avec Maude d'organismes en parcs montréalais.
- temps de lecture 7 minutes -
Ce matin, le mercredi 22 juillet, j’arrive en vélo à Boulot Vers, une entreprise qui aide les jeunes en difficulté de 16 à 25 ans à s’intégrer à la société et sur le marché du travail.
Pour vous mettre en contexte, Boulot Vers offre des stages rémunérés dans leur atelier d’ébénisterie et dans leurs bureaux en plus de diverses formations, coaching, etc. Quand j’ai lu leur mission sur le site web, je me suis dit wow, mais quelle bonne idée! et j’avais très hâte d’assister pour ma première fois à un atelier donné par Exeko, avec deux de nos médiateur.trices: Tiphaine et Thierry.
Ah oui, bonjour, je m’appelle Maude, je suis nouvelle à Exeko et je suis agente de mobilisation aux opérations estivales. J’aide à la virtualisation de nos différents projets et à faire le lien entre ceux-ci et les communications, entre autres. Je suis aussi étudiante en design graphique, vouée à ce que mes compétences en design serve au changement social. Je pourrais en parler pendant longtemps, mais dans la vie j’aime aussi écrire et faire de la photo, donc me voici en train d’écrire sur mon expérience de l’atelier sur la société idéale avec sept jeunes de Boulot Vers.
Pour briser la glace, nous avons commencé par dire dans quel quartier nous vivons et nommer une chose que nous apprécions de celui-ci. Sans nommer de noms, l’un habite à Lasalle et aime le fait qu’il y ait beaucoup d’espaces verts. Un autre habite dans Hochelaga et aime voir le stade olympique et marcher dans l’esplanade. Thierry est dans Rosemont et aime que ce ne soit pas encore trop gentrifié et qu’il existe une belle diversité. Une jeune aime le parc Maisonneuve (et les moutons qui y broutent l’herbe) et une autre, le fleuve à côté de chez elle dans Montréal Nord. Tiphaine aime le jardin botanique dans Hochelaga et moi qui est dans Centre-Sud, j’aime les nombreux lieux culturels et historiques.
Ensuite, nous avons fait des portraits de nos camarades en essayant de ne pas regarder la feuille. C’est assez difficile à faire, mais il ne faut pas se soucier du résultat; ça donne toujours quelque chose d’inattendu et de farfelu!
Voici mon portrait fait par un des jeunes ainsi que quelques autres qui ont été réalisés (on pouvait décider de donner notre dessin au modèle, donc la plupart ont gardé leurs portraits):
C’est par la suite que nous sommes entrés plus dans le vif du sujet avec la question: Qu’est-ce qui vous énerve dans notre société?
Thierry a commencé en donnant l’exemple des gens qui ne laissent pas sortir les autres avant d’entrer dans le métro, ce qui a démarré plusieurs commentaires sur le transport en commun et la conduite sur la route, comme les gens qui ne mettent pas leurs clignotants, ou qui ouvrent leur porte de voiture sans regarder avant, ou les gens qui se parfument dans l’autobus… Aussi futiles que ces remarques puissent paraître, nous avons soulevé qu’il en revenait toujours au manque de souciance pour l’autre et aux habitudes d’une société individualiste. D’autres commentaires étaient par contre plus perçants disons, comme une jeune ayant mentionné qu’il y avait encore des coups de feu dans Montréal Nord et que rien ne semblait être fait pour les arrêter et que ce soit en quelques sortes accepté. Aussi, la domination du marché au sein de notre société nous a amené à chialer sur le manque de temps, le stress, le fait que notre valeur soit évaluée selon notre productivité dans la société et selon nos notes à l’école, ce qui participe aussi aux causes de ce stress…
Après cette session thérapeutique de chialage collectif, nous avons écrit individuellement des idées de solutions qui apporteraient peut-être des changements désirés dans différentes sphères de la société (environnement, justice, pouvoir, économie et éducation).
Au retour d’une pause de dix minutes, nous nous sommes séparé.es en deux sous groupes pour mettre en commun toutes nos réflexions. J’étais dans le groupe numéro deux, animé par Thierry, avec trois autres jeunes.
L’une des participantes est plutôt silencieuse depuis le début, mais elle semble devenir plus à l’aise à parler en petit groupe. Nous commençons la discussion avec l’environnement et elle se met à exprimer son pessimisme face aux efforts insuffisants qui sont faits. Elle croit que les gens ne feront pas les changements nécessaires assez rapidement et selon elle la nature humaine est de tout détruire.
Thierry exprime alors son accord sur le fait que les changements sont lents et insuffisants. Il n’est néanmoins pas d’accord sur la nature humaine qui serait mauvaise et fait remarquer que plusieurs changements se sont fait dans le bon sens. Un autre jeune parle de la ville de San Francisco qui produit très peu de déchets. Nous nous comparons alors à cette ville, puisqu’ au Canada, nous sommes le pays qui produisons le plus de déchets par habitant.e.
Bien que nous tentions de proposer des pistes de solutions, le groupe ne trouve pas de consensus et certain.e.s préfèrent quitter le cercle de discussion pour s'isoler. Thierry explique alors que parfois, les gens sont moins disposés à avoir ce genre de discussion à cause de plusieurs facteurs externes, de problèmes dans nos vies personnelles, ce que le groupe semble comprendre et nous continuons l’atelier à quatre.
Il s’agissait d’une question importante à se poser: c’est bien beau se demander quelles sont les solutions, mais est-ce que ça en vaut la peine? Nous nous sommes tous.tes senti.es impuissant.es à un moment ou à un autre et ce sentiment est en effet valide. L’une des participantes semblait questionner l’exercice même et cette position a donné lieu à un débat sain qui s’est passé dans le calme. Thierry, les deux autres jeunes et moi avions tous.tes l’air de dire qu’il fallait garder espoir, car le progrès est tout de même visible, même s’il est parfois minime.
Nous avons énoncé plusieurs idées pour l’environnement comme: améliorer notre système de recyclage, transformer de manière plus efficace les déchets, manger moins de viande, définir les objectifs économiques en fonction de l’environnement et non l’inverse. Pour nommer quelques autres exemples, nous avons noté pour la justice: investir dans les services sociaux et moins dans la police. Pour le pouvoir: établir le vote proportionnel et éduquer dès l’enfance à la démocratie. Pour l’économie: la juste contribution des entreprises à la société. Pour l’éducation: la reconnaissance des professeur.es et la reconnaissance des différents talents et intelligences, financer les arts et réécrire l’histoire pour qu’elle soit plus honnête.
Au début de la journée, j’étais un peu nerveuse d’arriver dans un groupe de jeunes que je ne connaissais pas, avec Tiphaine et Thierry que je n’avais pas encore rencontré.es. J’avais peur d’être une intruse, mais en prenant un peu le rôle d’une participante à l’atelier, je me suis rapidement sentie acceptée et écoutée. Après tout, Titi et Thithi avaient déjà établi un lien de confiance avec les jeunes. À la fin de l’atelier, Thierry posait des questions et si elle nous concernait, on devait lever la main. Durant les ateliers, qui a appris au moins une fois quelque chose? Qui a trouvé ça plate à l’occasion? Qui a ri au moins une fois? Qui a partagé son point de vue au moins une fois? Qui s’est senti.e écouté.e? Tout le monde levait la main!
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ANGLAIS
This morning, Wednesday the 22th of July, I arrive with my bike at Boulot Vers, a company that helps young people in difficulty between the ages of 16 and 25 to integrate society and the job market. Boulot Vers offers them paid internships in their cabinetry workshop and in their offices in addition to various training, coaching, etc. When I saw what was their mission online, I thought Wow, what a good idea! and I was really excited to attend for my first time to a workshop given by Exeko, with two of our mediators: Tiphaine and Thierry.
Oh, yeah, hi my name is Maude and I’m new at Exeko. I am the summer operations mobilization officer and I help with the virtualization of our different projects and make the link between these and the communications, among other things. I’m also a graphic design student, dedicated to using my design skills for social change. I could talk about it for a long time, but I also love writing and photography, so here I am writing about my experience with the workshop about the ideal society, with seven participants from Boulot Vers.
To break the ice, we started by saying in which neighborhood we live in and name one thing we like about it. Without naming any names, one of the participants lives in Lasalle and likes the fact that there are a lot of green spaces. Another lives in Hochelaga and likes to see the Olympic stadium and walking around in the esplanade. Thierry is in Rosemont and likes that it is still not too much gentrified and that there is a great diversity. This other participant likes the Maisonneuve Park (and the sheeps that graze the grass) and another one, the river next to her home in Montreal Nord. Tiphaine likes to go to the botanical garden in Hochelaga and I, who is in Centre-Sud, like the many cultural and historical places.
Then, we did portraits of everyone, trying to look only at our model and never at our sheet of paper. It was pretty hard to do, but you don’t need to care about the results, because they are always unexpected and funny!
Here is my portrait made by one of the participants as well as a few others that were made (we could decide to give our drawings to the model, so most of them kept their portraits):
It was after that that we got to the heart of the subject with the question: What is it that annoys you in our society?
Thierry started by giving the example of people that don’t let others out before entering the metro, which generated several comments about public transport and driving on the road, such as people who don't put their turn signals, or people who open their car door without looking first, or people who spray their perfume on the bus… As futile as these remarks may seem, we have raised the point that it always comes back to the lack of concern for others and the habits of an individualistic society. Other comments however were more piercing, let's say, like a participant having mentioned that there was still gunshots in Montreal Nord and that nothing seemed to be done to stop them and that it was somehow accepted. Also, the domination of the market within our society has led us to complain about the lack of time, the stress, the fact that our value is evaluated according to our productivity and according to our grades at school, which contributes also to the causes of stress…
After this therapeutic session of collective whining, we individually wrote down ideas for solutions that might bring desired changes in different spheres of society (environment, justice, power, economy and education).
After a ten minutes break, we splitted into two groups to put in common our thoughts. I was in group number two, led by Thierry, with three of the participants.
One of them was fairly quiet from the start, but seemed to become more comfortable speaking in a small group. We started the discussion with the environment and she began expressing her pessimism about the insufficient efforts being made. She thinks that people are not gonna make the necessary changes fast enough, because she believes that the human nature is to destroy everything.
Thierry then expresses his agreement that the changes are slow and insufficient. However, he disagrees that human nature is fundamentally wrong and points out that several changes have been made in the right direction. Another participant talks about the city of San Francisco, which produces very little waste. We then compare ourselves to them, here in Canada who produce the most waste per capita.
Although we try to suggest solutions, the group does not find a consensus and some prefer to leave the discussion circle to isolate themselves. Thierry then explains that sometimes people are less willing to have this kind of discussion because of several external factors, problems in our personal lives, which the group seems to understand and we continue the workshop at four people.
This was an important question to ask: it's fine to wonder what the solutions are, but is it worth it? We have all felt helpless at one time or another and this feeling is indeed valid. The participant seemed to question the exercise itself and this position sparked a healthy debate that took place calmly. Thierry, the other two participants and I all seemed to say that we had to keep hope, because the progress is still visible, even if it is sometimes very small.
We put forward several ideas for the environment such as: improving our recycling system, transforming waste more efficiently, eating less meat, setting economic objectives according to the environment and not the other way around. To name a few other examples, we have noted for justice: investing in social services and defunding the police. For power: establish proportional voting and educating children about democracy. For the economy: the fair contribution of companies to society. For education: recognizing the work of teachers and recognizing the different talents and intelligences, funding the arts and rewriting history to make it more honest.
When I got there, I was a little nervous to arrive in a group of people that I didn’t know, with Tiphaine and Thierry, whom I had not yet met. I was afraid of being an intruder, but by taking the role of a participant, I quickly felt accepted and listened to. After all, Titi and Thithi had already established a bond of trust with the young participants. At the end of the workshop, Thierry was asking questions and if it concerned us, we had to raise our hands. During the workshops, who learned something at least once? Who found it boring at least once? Who laughed at least once? Who shared their point of view at least once? Who felt listened to? Everyone raised their hands!