Par admin : 04/28/2015 - 14:35
En mars dernier se terminait la résidence artistique Savoirs Partagés à bord de idAction mobile. Réalisée par les médiateurs Marie-Pierre Gadoua et Mathieu Riel, cette résidence a porté des objets autochtones du Musée McCord dans les rues de Montréal, au Centre d’amitié autochtone (CAAM) et au refuge du Projets Autochtones du Québec (PAQ), afin de recueillir les savoirs des participants à leur égard. Des femmes et des hommes des Premières Nations, Métis et Inuit, des jeunes et des moins jeunes ont ainsi raconté leurs versions de l’histoire de ces objets, comment ils sont fabriqués et utilisés, leurs significations d’hier et d’aujourd’hui. Nous avons eu droit également à des versions personnalisées de ces histoires d’objets, une chance inouïe pour nous d’avoir une idée de toute la richesse des perspectives, expériences de vie et mémoires individuelles des participants.
Le musée mobile a fait plusieurs arrêts en novembre et décembre derniers, durant lesquels deux cinéastes/documentaristes de profession et bénévoles pour ce projet, Évangéline De Pas et James Galwey ont filmé des extraits des témoignages. Des capsules vidéo ont été produites et mises en ligne afin de partager les savoirs des participants avec le grand public. L’équipe a également produit un film (vidéo ci-dessous) à partir de ces capsules, en y ajoutant aussi des éléments culturels immatériels : des chants de gorge inuit et des chants/rythmes de tambour enregistrés lors d’une soirée culturelle au CAAM.
Savoirs Partagés, le film sur YouTube (12 minutes)
Les percussionnistes du CAAM se réunissent toutes les semaines (le mercredi soir) afin de partager leur art et leur savoir-faire avec le public. Le public en question étant surtout formé de la communauté autochtone de Montréal, nous trouvions qu’il était important d’utiliser notre résidence artistique afin de faire entendre ces prestations à une population plus large. C’est donc avec le consentement (et l’enthousiasme) des percussionnistes que notre musée mobile fut agrémenté de chants de tambours inspirés de diverses traditions culturelles des Premières Nations.
Afin de compléter le tableau, il nous fallait aussi des traditions immatérielles inuit. Le chant de gorge des Inuit du Nunavik, appelé katajjaniq, est venu ajouter cette touche au projet, et ce grâce à la générosité et au talent de deux jeunes femmes de Kuujjuaq et Inukjuak, Nancy Saunders et Pauyungie Nutaraaluk.
Tournage du film au CAAM (c) Exeko
Le film a été présenté officiellement au Musée McCord le 23 mars dernier, devant un public formé des employés et guides de l’institution culturelle. L’objectif était de transmettre les savoirs recueillis lors de cette résidence artistique aux gens travaillant au Musée, afin qu’ils les transmettent à leur tour aux futurs visiteurs. Cette présentation finale n’aurait su être complète sans la présence de participants. Quatre des percussionnistes du CAAM ont accepté notre invitation à venir partager leurs chants et leurs savoirs à propos du tambour : Joey et Lava, deux Inuit de Kuujjuaq, Fred, de la nation Anishnabe du Lac Simon et Samuel de la nation Pipil du Salvador.
« Le tambour est fabriqué par les femmes, et est donné par ces dernières aux hommes afin qu’ils y canalisent leur énergie. Les femmes ne peuvent pas se joindre à eux dans ce type de chants, puisque l’énergie féminine est trop puissante, au point où elle en serait dangereuse. Les femmes restent donc autour des hommes quand ils battent le tambour. Elles les encadrent, les encouragent » - Fred
« Le bâton que je tiens, quand il descend sur le tambour, il représente l’éclair. Le « boum » que vous entendez alors, c’est le tonnerre. Et le double « boum » qui rythme nos chants, c’est le cœur de la Terre Mère qui bat » - Joey
Les percussionnistes ont pris soin de suivre le rituel de disposition de feuilles de tabac sur le tambour, aux quatre directions (Nord, Sud, Est, Ouest), accompagné de prières de traditions autochtones. Les coups de bâtons firent sauter le tabac dans les airs, le firent danser au rythme des chanteurs, s’éparpillant ensuite dans l’air et sur le sol. À la fin de la présentation, les percussionnistes ont emballé le tambour avec soin, puis ramassé méticuleusement les feuilles de tabac. Fred expliqua spontanément à l’auditoire la raison de ce geste : il ne faut jamais jeter le tabac, car il est sacré. On le ramasse, et on ira le remettre à la Terre, au pied d’un arbre, selon un rituel précis.
La présentation finale au Musée McCord (c) Exeko
En sortant du McCord cet après-midi là, j’ai suivi Samuel qui avait été désigné par le groupe pour disposer du tabac. Le premier arbre que nous avons croisé, un brave petit arbre planté au milieu du béton du centre-ville, a eu l’honneur de recevoir ce don. Samuel y a récité une prière et a entouré l’arbre de ses bras.
Savoirs Partagés ne pouvait pas mieux se terminer. Des chants sacrés, du tabac qui retourne à la terre, en offrande à cet arbre qui vit courageusement dans le bitume de la ville. Je ne peux m’empêcher de sourire en faisant une analogie entre cet arbre et les participants de idAction mobile. Ils nous ont tant donné durant cette résidence artistique, et ce geste de retour envers cet arbre qui pousse derrière le Musée McCord est comme un clin d’œil de remerciement et gratitude à leur égard.
Nakurmiik, Miigwetch, thank you, merci à tous pour cette belle aventure.
Pour en savoir plus, les autres articles de blogue sur la résidence artistique Savoir Partagées :
- Musée Mobile, ou la quête des savoirs partagés (novembre 2014)
- Le premier arrêt du Musée Mobile (novembre 2014)