ENTREVUE AVEC VALÉRIE : RENCONTRES, EXPÉRIENCES ET BIENVEILLANCE

Après Batone puis Tiphaine, nous verrons maintenant le témoignage de Valérie, sa vision, ses réflexions, son parcours, etc. Valérie fut bénévole puis médiatrice à Exeko depuis 2017 et elle nous partage à travers son œil bienveillant des moments de magie vécus sur le terrain dans le cadre de différents projets. Bonne rencontre!

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 Maude Blanchet Léger

Sur quels projets travailles-tu en ce moment?

Je travaille principalement sur deux idAction qui se passent dans des organismes du Plateau-Mont-Royal, un à la Maison des Amis du Plateau Mont-Royal et l’autre à l’Auberge Madeleine, mais en ce moment à l’Auberge on est en pause estivale. J’ai vraiment la chance de me retrouver sur deux terrains qui font partie d’une entente avec l’arrondissement du Plateau, sur un financement de trois ans, donc c’est le début de la deuxième année de ces deux projets-là – de mars à mars. Ça fait en sorte qu’on a vraiment le temps d’explorer ces terrains-là. C’est deux énergies vraiment différentes : à la Maison des Amis, le groupe change un peu, mais il y a quand même des personnes qui sont stables depuis le début, tandis que l’Auberge Madeleine ça change beaucoup, parce que c’est un hébergement temporaire. La Maison des Amis, c’est un centre de jour, donc les gens vont se chercher à manger puis rencontrer des personnes.  

C’est mes deux principaux terrains puis sinon, je suis aussi sur Musée de Quartiers, qui était un projet expérimental qu’on avait un peu cogité au début de la pandémie. C’est plus de la réflexion, il y a eu un atelier, il va y en avoir un autre en juin.

Je suis aussi sur la réflexion du chantier de la Mobile, parce que la Mobile ça fait partie de mes terrains même si je sors pas en ce moment. On réfléchit beaucoup à comment pérenniser et rendre ça plus sécuritaire je dirais – pas que c’est pas sécuritaire physiquement, mais il y a un engagement émotif dans ce projet-là – puis on réfléchit ensemble pour trouver des bonnes stratégies pour que tout le monde soit à l’aise. Je suis assez occupée quand même! [rires]

Et les groupes à l’Auberge Madeleine et la Maison des Amis c’est assez changeant, y’a un roulement, sinon comment décrirais-tu le profil des participant·es?

À la Maison des Amis c’est des adultes, cinquante ans et plus – il y a peut-être quelques personnes d’un peu moins de cinquante ans. C’est drôle parce qu’on fait un projet à la Maison des Amis, Dialogue Improbable, qui était un autre projet réfléchi pendant la pandémie, puis on a utilisé cette prémisse-là de rencontres improbables à travers des enregistrements audio entre deux groupes. On a carrément incorporé ce projet dans notre trame d’idAction avec la Maison des Amis, puis on parle avec un groupe de SINGA. SINGA Québec c’est un organisme qui travaille avec des nouveaux et nouvelles arrivant·es, l’inclusion dans la société, ils font des activités ensemble. Ils ont un groupe de médiation culturelle et on est ensemble là-dessus. 

En ce moment, ces deux groupes-là se rencontrent de façon audio, ils se rencontrent pas dans la vraie vie. À travers ce projet-là, on a demandé au groupe de la Maison des Amis et aussi au groupe de SINGA de s’auto-identifier. Comment on faisait pour les présenter? On savait pas trop comment les présenter… Est-ce que c’est nous avec notre regard sur eux ou on leur demande à eux de se présenter? Donc ils ont choisi de se présenter comme un groupe, qui oui évidemment vit avec la pauvreté, mais qui est actif, sociable, engagé. À la Maison des Amis c’est ceux qui viennent le plus aux activités; je décrirais que c’est un groupe vraiment éclectique – c’est un mot qu’une des personnes a utilisé.

L’intervenante qui interpellait Exeko pour partir le projet, qui a eu l’idée de collaborer, elle disait : « il me semble qu’il y a un besoin d’une place où les gens peuvent parler. » C’est tellement vrai! Elle a bien vu ce besoin-là. Les gens ont plein de bonnes idées, ils sont expérimentés, ils ont plus de cinquante ans, ils se connaissent, ils ont de l’expérience de vie. C’est sûr que ça ressort beaucoup dans les conversations qu’on amène. C’est pas comme faire un atelier d’idAction avec des jeunes de 18 ans sur un certain sujet, quand tu le fais avec des adultes, comme à la Maison des Amis, les idées qu’ils ont, la vision qu’ils ont d’eux-mêmes, c’est vraiment différent. Je te dirais que c’est un groupe assez hétérogène, puis bizarrement même quand les opinions sont vraiment opposées, on réussit tout le temps à trouver un terrain d’entente. C’est vraiment un beau groupe! 

C’est surtout des hommes, il y a un peu de femmes, mais c’est majoritairement des hommes qui sont là-bas. D’ailleurs on a un duo homme-femme, médiateur et médiatrice, puis c’est vraiment un besoin pour ce terrain-là, c’est ça qui est particulier aussi. C’est vraiment un besoin d’avoir un binôme homme-femme, sinon j’ai l’impression que l’énergie est comme déséquilibrée. En étant homme-femme ça marche bien, c’est quelque chose qu’on a observé assez vite sur le terrain.

Tu es avec quel médiateur à la Maison des Amis?

Je suis avec Mathieu Riel. José Fuca était là avec moi au début. On est là depuis 2019, il y a eu quelques petits changements, mais moi je suis là depuis le début. Tiphaine est venue comme médiatrice, Dorothée aussi un peu… 

Puis à l’Auberge Madeleine c’est plus avec Tiphaine?

Et Isabelle, oui! On est en équipe de trois, on a décidé de faire une sorte de rotation, comme c’est sur trois ans on voulait assurer une certaine stabilité. Là-bas c’est des femmes de tous les âges. Leur point commun c’est qu’elles viennent vraiment parce qu’elles ont des difficultés : soit elles ont perdu leur logement, soit elles vivent de la violence conjugale, elles partent d’une situation de violence, beaucoup d’enjeux de santé mentale, beaucoup de fatigue, beaucoup d’histoires de consommation, d’enfants à la DPJ… Ces femmes-là sont dans un moment de tempête de leur vie quand elles sont à l’Auberge Madeleine. La Maison des Amis, oui ils vivent des difficultés, mais c’est pas vraiment parce qu’ils sont dans une crise, versus l’Auberge Madeleine où les personnes sont dans un moment de crise. 

C’est sûr que ça donne une autre énergie. Des fois les femmes sont plus fatiguées, elles ont plus de difficulté à s’engager dans la conversation et tout ça, donc il faut trouver des stratégies – d’ailleurs qu’on a présentées à la fourmilière : comment aborder les femmes à l’Auberge Madeleine? On a choisi de se centrer beaucoup sur la création, l’appréciation de l’art ou le regard de l’action sociale à travers la création. La création c’est apaisant, à la suite des ateliers créatifs qu’on a fait, les femmes vont dire : « Ah ça fait tellement du bien, j’avais tellement besoin de ça! » On essaye de faire un mélange entre créer, mais lancer un message en même temps. Comme pour le 8 mars, on a créé des affiches et ça disait des beaux messages comme « je suis une femme et j’ai de la valeur » et on est allé les afficher dans le quartier.

À un moment donné, on en affichait une qui disait justement quelque chose comme ça. Puis là, y’avait un homme qui nous regardait, on s’est tourné vers lui puis il a dit : « Moi je reconnais votre valeur mesdames! » Il était tout fier de lui! [rires] C’était tellement cute! Les femmes sont fières d’elles aussi, il y avait une participante qui était venue poser les affiches puis elle était vraiment dedans, elle était contente de faire ça.

L’intervenante qui était avec nous, elle vient à tous les ateliers, elle fait les suivis avec nous, elle est super engagée là-dedans aussi. Ça c’est une grande aide. Comme les femmes vivent un moment de crise, elle peut entendre ce qui se passe, puis peut-être que ça peut être récupéré plus tard dans des moments d’intervention individuelle. C’est sûr que c’est un terrain qui est pas facile à cause de ça, faut essayer de trouver des bonnes stratégies pour ce qu’on apporte, que ce soit pas alourdissant, mais plus apaisant. Il faut trouver les sujets qu’on va aborder, des fois ils peuvent être heavy, on le sait pas… Ou des fois on se dit « On va tu là? On va tu pas là? » On veut pas créer des triggers, du stress par rapport aux traumatismes que ces femmes-là peuvent vivre,  mais en général ça va quand même assez bien.

Vous avez vraiment réfléchi à comment vous allez aborder ces femmes-là dans les ateliers, puis là je me demandais, pour nous aider à visualiser, c’est quoi toutes les autres préparations que ça implique?

J’ai un exemple qui me vient en tête : les personnes qu’on rencontre sont vraiment différentes au niveau des capacités à s’exprimer verbalement et avec l’écriture. C’est pas tout le monde – puis pas juste dans nos terrains – à qui tu poses une question et qui peut te répondre rapidement genre « ah oui j’ai des idées, elles sont dans ma tête et je les dis ici et maintenant. » Il y a beaucoup de personnes qui ont besoin de réfléchir, de se poser, de se dire « bon, c’est quoi que je pense? » avant de pouvoir le dire. Donc ça c’est des enjeux… Par exemple il y a une personne neuroatypique – elle s’est nommée elle-même comme neuro-atypique – il y a la santé mentale, il y a des choses qu’on soupçonne, mais c’est pas nécessaire qu’on sache, c’est juste qu’on observe la capacité de participation, on voit que y’a différents styles. Nous, ça nous interpelle, on se dit « bon, qu’est-ce qu’on fait pour que chaque personne se sente incluse? »

En parallèle avec notre projet d’audio – parce qu’il y a beaucoup de rencontres, d’un côté puis de l’autre côté, il y a une certaine attente, on peut pas juste être en action-réaction dans ce projet, c’est un long projet – Mathieu et moi on avait décidé d’incorporer des ateliers où on réfléchit sur la société. On prenait un sujet – on a quand même apporté beaucoup de sujets, on a parlé de la consommation, de l'éducation, des valeurs, de l’identité individuelle versus l’identité collective, le vivre ensemble, puis le dernier on a parlé de la culture. Comment créer une définition commune? Qu’est-ce que moi j’en pense personnellement? On l’amène au grand groupe, on en jase ensemble…

Quand on a parlé de la consommation, notre premier sujet, il y avait une personne qui avait beaucoup d’idées là-dessus et qui prenait beaucoup de place, puis d’autres que ça avait confronté, d’autres qui savaient pas trop ce qu’ils en pensaient. Quand on est arrivé à notre deuxième sujet, qui était l’éducation, on s’est dit « ok il faudrait qu’on trouve une stratégie », donc on a décidé d’utiliser une stratégie qui s’appelle la pensée design. Les ateliers de pensée design c’est d’utiliser des objets ou la création pour faire une sorte de modelage de ton idée. Tu fais une sorte de mini maquette et après ça tu l’expliques. C’est pas le résultat visuel de ton organisation qui est important, c’est plutôt la signification que t’as mise à l’intérieur de ce que t’as créé.

Nous on a acheté de la pâte à modeler. Là faut se dire, c’est des adultes : des fois il y en a qui disent qu’ils n’aiment pas jouer, mais bon, ils disent ça, mais finalement ils embarquent pas mal! Donc là on a acheté de la pâte à modeler, puis on a abordé ça. En fait, on se prépare vraiment beaucoup! [rires] On se rencontre ensemble puis on se dit : de quoi on va parler? On veut parler de l’éducation, mais qu’est-ce qu’on veut dire de l’éducation? Les sujets sont vastes, il faut qu’on ait des questions claires, il faut qu’on cadre notre conversation, parce que si on fait pas ça, on arrive à rien d’intéressant, il se passe rien, y’a pas de magie, ça mousse pas. Il faut vraiment qu’on ait une question claire. À chaque fois qu’on aborde un sujet, on a une question puis après ça on le décortique en petites parties de questions. En gros on leur demandait c’était quoi leur classe idéale. Chaque personne s’est assise avec sa pâte à modeler et on leur a demandé de créer. C’était vraiment intéressant, ça a bien fonctionné parce que les gens ont eu le temps de s’y attarder.

En modelant tu réfléchis à la question… 

 Exactement! Tu t’assois et là on leur a dit « faites votre classe idéale ». On leur a demandé : qui enseigne? Ça se passe où? C’est quoi le sujet le plus important? On a découvert les talents d’un des participants qui était vraiment là… Ça l’avait allumé! D’autres qui avaient une vision bien cartésienne de l’affaire, d’autres qui étaient vraiment flyés. Chacun·e avait fait son petit modèle, puis là tout d’un coup, quand tu parles de ton modèle, ça t’amène à dire « j’ai fait ce choix-là parce que… » Par exemple, une des participantes disait : Moi quand j’étais petite à l’école c’était vraiment difficile, je me faisais beaucoup intimider. Donc moi ce que je trouve qui est le plus important, c’est que les enfants soient entourés d’adultes bienveillants. Puis là, elle avait fait plusieurs adultes. Elle disait : « La professeure dans le film Mademoiselle C, elle était l’fun, elle aimait les enfants. Moi, ma professeure, elle serait comme ça! » Il y en a un autre qui disait : « C’est les parents qui devraient faire l’école aux enfants et ça devrait être un à un, un adulte pour un enfant. » Une autre personne disait qu’il faut que ce soit à la plage; il y avait beaucoup de forêts, beaucoup de nature, puis il y avait des personnes qui disaient « non non, c’est une classe ordinaire puis les mathématiques c’est vraiment important. » Ça détonnait un peu, donc nous ce qu’on disait c’est : oui les maths c’est important, pourquoi les maths ça peut être important? Les gens disaient « tu peux faire un budget… »

On essaye de récupérer tout ça pour qu’on ait une conversation intéressante puis avec toutes ces réponses-là qu’on recueille, on va faire un grand atelier sur la société idéale. On va séparer tous les sujets pour revenir là-dessus et consolider les conversations qu’on a eues avec eux. C’est un peu ça notre grand plan, on a des sous-plans, donc les personnes viennent et font une activité qui a l’air vraiment ludique, mais nous on a l’idée de la journée – comment on fait pour investir chacune des personnes, que chaque personne puisse participer, quand les personnes on plus de misère on va les voir. Une personne qui a de la difficulté avec l’écriture par exemple, on les spot tranquillement, on apprend à se connaître, donc quand on a un moment de réflexion on va vers ces personnes-là puis on dit « est-ce que je peux t’aider à écrire tes idées, c’est quoi tes idées, qu’est-ce que t’en penses? » On prend des notes, ça aide cette personne-là à pouvoir participer aussi.

Donc c’est ça, notre préparation c’est d’arriver à avoir une conversation où tout le monde va avoir apporté leur point de vue. Ça semble un peu abstrait quand on le fait pas, mais on développe des stratégies à force de le faire puis on a la chance à la Maison des Amis de connaitre les personnes, donc ça nous aide beaucoup, on peut anticiper qui va être là. Il y a des terrains où tu peux pas anticiper, comme à l’Auberge Madeleine, où il faut que tu trouves des choses qui sont un peu plus générales, puis que tu puisses réagir sur le coup. C’est pas toujours magique, des fois ça marche pas, c’est sûr que ça arrive, ça fait partie d’la game! [rires]

Ouais ça c’est quelque chose que j’entends souvent, t’as beau te préparer, des fois il faut que tu improvises, puis des fois ça marche juste pas. Après tu reviens et tu t’adaptes.

La majorité du temps il va falloir que tu improvises à un moment donné, mais c’est là où l’expérience joue aussi puis surtout, il faut pas se mettre dans un état d’esprit de performance, parce que ça marche pas. Tu demandes pas ça aux gens que tu vas voir, alors il faut pas que tu te le demandes non plus. Ça c’est dur par exemple. Pour moi c’est difficile. [rires

Oui, on a vraiment l’idée qu’il faut qu’on accomplisse quelque chose, qu’il faut qu’on performe.

Oui, moi je me vois comme médiatrice professionnelle, c’est mon travail, c’est mon métier. C’est sûr que je veux performer, mais c’est quoi la mesure de la performance? C’est ça la grande question. Moi quand il y a une sorte de… Des beaux moments – à un moment donné on parle d’identité à la Maison des Amis, puis il y a une personne qui dit « Moi je pense que je peux pas avoir une identité parce que mon enfance c’était trop poche, ma mère elle m’aimait pas, mon enfance c’était juste du malheur, donc je vois pas vraiment comment c’est possible que j’aie une identité. » Eille, ça a levé – pas juste les médiateurs et médiatrices, mais les personnes dans le groupe aussi – ça a créé une réaction. Moi ma réaction spontanée a été de dire : « Les choses qu’on apprend, qu’on construit à travers nos expériences difficiles, ça contribue à la construction de notre identité. » Puis là les personnes disaient : « T’as une identité, t’es bonne là-dedans, tu chantes bien, t’es sociable, t’es gentille avec les gens. » Cette personne-là tout d’un coup elle est comme ah… Elle vit des choses, ça crée un soutien les uns envers les autres et plein d’autres choses qu’on voit pas, plein de choses qu’on ne saura jamais aussi. Ça fait partie de l’intangible de notre travail.

Le groupe et les personnes continuent d’évoluer en dehors des ateliers… 

Des conversations qu’ils vont avoir avec d’autres personnes après, tout ce que ça fait comme ramifications, des fois on a la chance d’avoir une mini fenêtre là-dessus, mais souvent on le sait pas.

On parlait de ça aussi avec Tiphaine, c’est vraiment difficile de savoir qu’est-ce qui appartient à Exeko comme impacts et qu’est-ce qui appartient plus à la personne, à son développement et tout… Mais est-ce que tu aurais une anecdote du terrain qui illustre les impacts d’un projet?

C’est une personne que j’ai connu un petit peu à travers la Maison des Amis. En fait il nous reconnaissait, il savait c’était quoi Exeko. On se présentait, on avait la Mobile, puis là lui il dit « ah ouais, mais moi je connais ça. » Il commence à dire que dans ce temps-là il allait vraiment pas bien, il consommait beaucoup, puis il était très très centré sur ses problèmes. Il dit : « À un moment donné, je commençais à croiser la van puis il y a quelqu’un qui a commencé à me donner des livres. Quand j’ai commencé à avoir des livres, je me suis mis à lire, puis là tout d’un coup on dirait que j’ai arrêté un peu de me regarder le nombril, puis j’ai commencé à agir sur mes problèmes. » Il attribue un crédit au fait qu’il a rencontré Exeko qu’il a commencé à lire, il commençait à s’impliquer. Ça a ouvert son esprit. C’est sûr que le cheminement que cet homme-là a vécu pour arriver à son point de non-retour, où il s‘est dit « ok ça suffit il faut que je me prenne en main, ça marche plus, il faut que j’avance » c’est parsemé de plein de petites choses qui se passent, mais pour lui, Exeko ça avait eu un sens. Il venait aux ateliers puis il en parlait aux autres, il racontait comment il s’impliquait. Ça fait longtemps que je l’ai pas vu, je le sais qu’il a vécu des moments difficiles avec la pandémie, c’est sûr que ça provoque des hauts et des bas. C’est pas quelque chose que j’ai observé de mon travail comme tel, mais les gens dans la rue quand on se promène avec la Mobile ils la reconnaissent, ils te saluent même si toi tu les connais pas, mais c’est la Mobile qu'ils connaissent. Il y a ça qui démontre que ça a un sens pour ces personnes-là. Elles sourient quand elles te voient et tout ça.

Sinon dans mes terrains, je sais pas comment ça contribue nécessairement individuellement disons à sortir d’un moment de crise, mais c’est sûr que ça fait de l’apaisement. Je suis convaincue de ça, ça se ressent. C’est tellement – encore une fois – dans l’intangible. Tu le vis, quand t’es médiatrice, c’est quelque chose que tu vis beaucoup. Tu le vois qu’il se passe quelque chose, mais tu sais pas trop où ça va s’en aller pour la personne. Tu le constates, puis toi t’as juste pu te dire « ah, ok ça a marché, j’ai réussi, y’a eu de la magie aujourd’hui. » Mais après, qu’est-ce qu’il va arriver avec ça, tu le sais pas. C’est ça qui est particulier, c’est vraiment un métier qui est un peu… Pas cruel [rires] mais quelque part y’a quelque chose comme ça, tu le sais que ça vaut la peine, moi je suis convaincue de ça, mais comment le mesurer, c’est dur… 

Je comprends tellement ce que tu veux dire et je suis contente d’avoir fait des sorties parce que ça m’aide à comprendre comment ça se passe. Puis juste quand tu pars avec la van, tu le sais en partant si « bon, aujourd’hui ça leur tentait pas trop puis c’est correct » ou des fois avec d’autres groupes tu pars et ils te font bye bye avec des gros sourires. Tu les as mis de bonne humeur puis tu le sais qu’il y a eu quelque chose.

Oui! Puis un moment donné à notre premier atelier à l’Auberge Madeleine on avait amené des mots puis on avait proposé de faire une activité d’écriture automatique. Comme on voulait pas mettre les femmes face au fait, admettons « est-ce que moi j’ai assez de vocabulaire pour faire ça? » on avait amené des mots pour pouvoir soutenir un peu leurs idées. Il y avait une femme qui avait écrit un texte superbe. Elle était fière et elle disait « ça m’a donné de l’inspiration! » et quand elle l’a lu, spontanément tout le monde a applaudi. C’est pas nous qui avons amené ça; son cheminement l’a amené à ce qu’elle voit tout ça, elle prend ça, ça a un sens pour elle, elle a le goût de raconter cette histoire-là. C’est un moment où elle peut s’exprimer. Peut-être que si on avait pas créé notre moment, notre atelier, qu’on avait pas été là avec elle, qu’on avait pas choisi cette stratégie-là, peut-être qu’elle aurait pas pu s’exprimer de cette façon-là à ce moment-là. Mais clairement c’était déjà là en dedans d’elle. Elle était vraiment bonne.

Puis maintenant pour toi, est-ce qu’il y aurait un ou des moments forts? Un moment qui t’a marqué?

Pendant Métissages Urbains avec Batone, il y avait plein de choses qui se passaient. À l’été 2019, il jouait de la musique, puis nous on faisait tout un dispositif puis on invitait les gens à venir dessiner pendant que Batone jouait. L’idée c’était qu’ils s’inspirent de ce que la musique leur donnait comme émotion. Il y avait un gars qui était arrivé, c’était la fin de la journée, il était tout habillé en travail, chic et tout, pantalons propres avec son sac à dos. Il s’était assis, il avait pas enlevé son sac de son dos, il avait commencé à dessiner, puis il avait quelque chose de tellement beau! Il nous l’avait laissé puis il avait dit « Ça fait dix ans que j’ai pas dessiné. » Puis je pense qu’il est revenu une autre fois, parce qu’on avait fait quatre sorties, puis deux à cet endroit-là spécifique. Il nous avait revu puis je pense qu’il avait refait un autre dessin. Il disait que ça faisait super longtemps qu’il avait pas fait ça dans sa vie, il avait pas l’occasion de le faire. Il était cool son dessin! Ce qui m’avait marqué c’est qu’il est resté avec son sac sur lui, encore en mode travail, puis y’avait fait un dessin super beau.

Ah oui, une autre belle anecdote! Une personne à la Maison des Amis cet hiver – quand on a recommencé, parce qu’il y avait les consignes, puis ils étaient frileux à nous recevoir à l’intérieur. On comprenait, mais à un moment donné le besoin se faisait ressentir tellement parce que les gens allaient pas bien. Il manquait d’espace de sociabilité, donc ils nous ont permis d’aller dans leur salle commune, qui est vraiment grande, puis on s’est installé vraiment loin. Mais c’était l’hiver, alors au début, il y a certaines personnes qui venaient à nos ateliers un peu juste pour pouvoir s'asseoir à l’intérieur puis manger, mais pas nécessairement parce que ça les intéressait. Puis c’était bien correct, on les laissait venir quand même.

Il y avait un Monsieur, lui il venait mais il disait rien. Il disait rien pentoute, il s’asseyait dans le fond – il fait encore ça d’ailleurs, une seule fois il s’est pas assis dans le fond, mais il est retourné dans le fond après, donc je pense que ça l’a confronté un peu. Il s’asseyait, il mangeait, il nous écoutait, il disait rien, il se levait et il s’en allait. Il a fait ça pendant trois-quatre ateliers, puis vers le cinquième à un moment donné il a dit un mot. Puis là, à un moment donné la conversation tournait en rond, donc Mathieu avait essayé de trouver une stratégie efficace, il a dit : on va faire des votes. « Vous votez de zéro à dix, vous me dites votre chiffre puis on fait des moyennes et ça nous fait décider c’est quoi nos questions. » Les gens s'impatientaient, tout le monde disait « Ça niaise donc bin! », donc ok let’s go on fait ça.

Mon impression c’est que ce jour-là ça a débloqué. Il votait tout le temps cinq. Cinq! Puis là il disait rien… Cinq! La fois d’après on a continué et là il disait deux mots… La fois d’après on faisait de la pâte à modeler, là il a fait sa classe – c’est lui qui aimait les mathématiques. Et là, à un moment donné on a fait une création de personnage quand on parlait de l’identité. Son personnage était tellement élaboré, c’était fou! Lui il a passé de « pas dire un mot à nous regarder en train de manger » à « être un participant actif ». Ça s’est passé à peu près entre février et maintenant. Le changement est DRASTIQUE! 

C’est justement en multipliant les stratégies de participations – quand on se dit « bon comment on fait pour que tout le monde puisse être inclu? » Ils sont pas à l’aise de parler devant le groupe… Il y a plein de raisons pour lesquelles les gens s’impliquent pas.

Oui et vous avez pas poussé, vous l’avez pas forcé à faire quoi que ce soit, c’est tout venu de lui!

 

On l’interpellait – moi je l’interpellais et j’ai l’impression que ça l’agressait. J’allais le voir souvent et je disais « ça va? » J’ai l’impression qu’il aimait pas ça et qu’il était plus à l’aise avec Mathieu. Ce groupe-là, je le redis, c’est super important qu’on soit un duo homme-femme. C’est pas mon énergie seulement, c’est aussi le faite que je sois une femme. Mathieu c’est pas juste son énergie, c’est le fait qu’il est un homme. Il y a un besoin de ça, puis mon collègue José et moi, le premier cycle qu’on a fait, ça a été un constat : on doit être homme-femme. Quand José est parti, j’ai été en duo avec Dorothée puis ça avait changé toute l’énergie. J’étais comme « ok ça marche pas, pourquoi ça ne marche plus? Ça marchait super bien! » C’est une chose que j’avais observée, puis je dis pas qu’on peut pas faire un atelier juste deux femmes ou juste hommes une fois de temps en temps, mais si on est là pour longtemps… Puis quand Mathieu est arrivé et je lui ai expliqué ça, il l’a constaté tout de suite aussi, il comprenait ce que je voulais dire. 

Oui il y a des gens que, juste naturellement, ils vont vraiment plus s’ouvrir facilement avec des hommes, puis d’autres avec des femmes…

[...] 

Puis si tu avais à utiliser trois mots pour décrire ton travail, ce seraient lesquels?

Les trois mots qui me viennent en tête, c’est… J’hésite entre rencontres ou échanges… Je dirais rencontres, expériences (dans le sens de expérientiel, pas dans le sens d’avoir de l’expérience, plus comme vivre une expérience), puis l’autre je dirais bienveillance. J’allais dire affection, mais c’est dans la bienveillance vraiment que ça se passe, cette énergie-là spéciale d’Exeko et de mon travail de médiatrice.

La dernière question c’est plus sur Exeko : qu’est-ce qui t’anime chez Exeko, qu’est-ce qui donne de la valeur à ton travail?

Mon cheminement vers devenir médiatrice, c’est quelque chose qui dure depuis longtemps, ça fait quand même depuis 2012 que j’ai commencé dans le milieu communautaire, puis mon objectif c’était ça : d’être médiatrice culturelle en fait. Quand j’ai commencé à chercher là-dessus et que j’avais des questionnements, je cherchais quelque chose au croisement de l’art et du social, j’avais l’impression que c’était ma place professionnelle et le communautaire ça m'interpellait beaucoup. Puis Exeko j’ai spotté tout de suite, parce que si tu google ça, tu trouves Exeko tout de suite. Donc moi je connaissais Exeko virtuellement dès le début de mes recherches, je me disais « il me semble que c’est ma place ». Je savais pas trop quoi faire pour m’inclure. Je suis devenue bénévole en 2017. C’est sûr que pour moi, la force d’Exeko (puis c’est un peu sa faiblesse en même temps maintenant que je suis à l’intérieur), c’est la capacité à être sur le terrain puis réfléchir à ton terrain en même temps. 

Il y a le mélange que je trouve vraiment génial entre réfléchir à quelque chose puis agir sur cette réflexion-là : agir et réfléchir. Il y a un échange constant là-dessus, parce que justement moi je veux pas juste le faire puis je veux surtout pas juste y réfléchir. Donc c’est ça la plus-value d’Exeko, pour moi c’est cet aspect combiné. Il y a pas beaucoup de milieux qui combinent les deux. Mais aussi, ce sont ces terrains-là, parce que oui je pourrais travailler dans un organisme de première ligne et potentiellement – comme par exemple, il y a des gens à l’Auberge Madeleine qui organisent des activités pour les résidentes, ça existe tout ça; mais le bonheur d’Exeko c’est de justement pas nécessairement être à l’intérieur du milieu. Tu viens et t’agis plus sur un ensemble et tu peux aller dehors avec les personnes, tu vas rejoindre les gens où ils sont, puis moi je le vois pas où ça se peut ailleurs qu’à Exeko. Les terrains sont vraiment variés, il y a des médiateurs qui vont dire « moi je travaille juste avec des jeunes ou moi je travaille juste avec les communautés autochtones. » C’est tellement vaste que tu peux te nicher à l’intérieur même de l'organisme et ça je trouve ça super. Moi je me suis pas nichée, parce que ça fait deux ans environ que je suis là, puis je sais pas si je suis prête à le faire, sauf que je le vois bien que les gens qui me stimulent beaucoup c’est plus les adultes âgés. Je le vois que ça m’amène quelque chose, ça m’allume beaucoup. Il faut dire que comme je travaille ailleurs aussi, je travaille beaucoup avec des enfants, donc peut-être que c’est l’équilibre.

Donc à Exeko il y a cette force de diversité, avec chacun·e ses styles puis aussi on travaille en binôme et ça c’est le fun parce que tu vois le style de l’autre, ton style avec une personne c’est pas le même qu’avec une autre, tu apprends beaucoup de ça. Puis la communauté de pratique c’est tellement précieux, c’est la clé de tout ça. Je voudrais pas que ça se perdre, parce que sinon Exeko serait pas Exeko vraiment.

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C’est vraiment intéressant de voir le même projet (à l’Auberge Madeleine) à travers les yeux d’une autre médiatrice, la diversité des styles, les visions différentes, mais aussi complémentaires. La création, l’improvisation, l’engagement social sont des stratégies et des thèmes qui reviennent dans la philosophie des médiateurs et médiatrices d’Exeko. Le dévouement et la sincérité se font ressentir à travers les mots de Valérie. Je la remercie pour son temps et pour cette conversation précieuse et nourrissante.

 

ENTREVUE AVEC VALÉRIE : RENCONTRES, EXPÉRIENCES ET BIENVEILLANCE

Après Batone puis Tiphaine, nous verrons maintenant le témoignage de Valérie, sa vision, ses réflexions, son parcours, etc. Valérie fut bénévole puis médiatrice à Exeko depuis 2017 et elle nous partage à travers son œil bienveillant des moments de magie vécus sur le terrain dans le cadre de différents projets. Bonne rencontre!

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 Maude Blanchet Léger

Sur quels projets travailles-tu en ce moment?

Je travaille principalement sur deux idAction qui se passent dans des organismes du Plateau-Mont-Royal, un à la Maison des Amis du Plateau Mont-Royal et l’autre à l’Auberge Madeleine, mais en ce moment à l’Auberge on est en pause estivale. J’ai vraiment la chance de me retrouver sur deux terrains qui font partie d’une entente avec l’arrondissement du Plateau, sur un financement de trois ans, donc c’est le début de la deuxième année de ces deux projets-là – de mars à mars. Ça fait en sorte qu’on a vraiment le temps d’explorer ces terrains-là. C’est deux énergies vraiment différentes : à la Maison des Amis, le groupe change un peu, mais il y a quand même des personnes qui sont stables depuis le début, tandis que l’Auberge Madeleine ça change beaucoup, parce que c’est un hébergement temporaire. La Maison des Amis, c’est un centre de jour, donc les gens vont se chercher à manger puis rencontrer des personnes.  

C’est mes deux principaux terrains puis sinon, je suis aussi sur Musée de Quartiers, qui était un projet expérimental qu’on avait un peu cogité au début de la pandémie. C’est plus de la réflexion, il y a eu un atelier, il va y en avoir un autre en juin.

Je suis aussi sur la réflexion du chantier de la Mobile, parce que la Mobile ça fait partie de mes terrains même si je sors pas en ce moment. On réfléchit beaucoup à comment pérenniser et rendre ça plus sécuritaire je dirais – pas que c’est pas sécuritaire physiquement, mais il y a un engagement émotif dans ce projet-là – puis on réfléchit ensemble pour trouver des bonnes stratégies pour que tout le monde soit à l’aise. Je suis assez occupée quand même! [rires]

Et les groupes à l’Auberge Madeleine et la Maison des Amis c’est assez changeant, y’a un roulement, sinon comment décrirais-tu le profil des participant·es?

À la Maison des Amis c’est des adultes, cinquante ans et plus – il y a peut-être quelques personnes d’un peu moins de cinquante ans. C’est drôle parce qu’on fait un projet à la Maison des Amis, Dialogue Improbable, qui était un autre projet réfléchi pendant la pandémie, puis on a utilisé cette prémisse-là de rencontres improbables à travers des enregistrements audio entre deux groupes. On a carrément incorporé ce projet dans notre trame d’idAction avec la Maison des Amis, puis on parle avec un groupe de SINGA. SINGA Québec c’est un organisme qui travaille avec des nouveaux et nouvelles arrivant·es, l’inclusion dans la société, ils font des activités ensemble. Ils ont un groupe de médiation culturelle et on est ensemble là-dessus. 

En ce moment, ces deux groupes-là se rencontrent de façon audio, ils se rencontrent pas dans la vraie vie. À travers ce projet-là, on a demandé au groupe de la Maison des Amis et aussi au groupe de SINGA de s’auto-identifier. Comment on faisait pour les présenter? On savait pas trop comment les présenter… Est-ce que c’est nous avec notre regard sur eux ou on leur demande à eux de se présenter? Donc ils ont choisi de se présenter comme un groupe, qui oui évidemment vit avec la pauvreté, mais qui est actif, sociable, engagé. À la Maison des Amis c’est ceux qui viennent le plus aux activités; je décrirais que c’est un groupe vraiment éclectique – c’est un mot qu’une des personnes a utilisé.

L’intervenante qui interpellait Exeko pour partir le projet, qui a eu l’idée de collaborer, elle disait : « il me semble qu’il y a un besoin d’une place où les gens peuvent parler. » C’est tellement vrai! Elle a bien vu ce besoin-là. Les gens ont plein de bonnes idées, ils sont expérimentés, ils ont plus de cinquante ans, ils se connaissent, ils ont de l’expérience de vie. C’est sûr que ça ressort beaucoup dans les conversations qu’on amène. C’est pas comme faire un atelier d’idAction avec des jeunes de 18 ans sur un certain sujet, quand tu le fais avec des adultes, comme à la Maison des Amis, les idées qu’ils ont, la vision qu’ils ont d’eux-mêmes, c’est vraiment différent. Je te dirais que c’est un groupe assez hétérogène, puis bizarrement même quand les opinions sont vraiment opposées, on réussit tout le temps à trouver un terrain d’entente. C’est vraiment un beau groupe! 

C’est surtout des hommes, il y a un peu de femmes, mais c’est majoritairement des hommes qui sont là-bas. D’ailleurs on a un duo homme-femme, médiateur et médiatrice, puis c’est vraiment un besoin pour ce terrain-là, c’est ça qui est particulier aussi. C’est vraiment un besoin d’avoir un binôme homme-femme, sinon j’ai l’impression que l’énergie est comme déséquilibrée. En étant homme-femme ça marche bien, c’est quelque chose qu’on a observé assez vite sur le terrain.

Tu es avec quel médiateur à la Maison des Amis?

Je suis avec Mathieu Riel. José Fuca était là avec moi au début. On est là depuis 2019, il y a eu quelques petits changements, mais moi je suis là depuis le début. Tiphaine est venue comme médiatrice, Dorothée aussi un peu… 

Puis à l’Auberge Madeleine c’est plus avec Tiphaine?

Et Isabelle, oui! On est en équipe de trois, on a décidé de faire une sorte de rotation, comme c’est sur trois ans on voulait assurer une certaine stabilité. Là-bas c’est des femmes de tous les âges. Leur point commun c’est qu’elles viennent vraiment parce qu’elles ont des difficultés : soit elles ont perdu leur logement, soit elles vivent de la violence conjugale, elles partent d’une situation de violence, beaucoup d’enjeux de santé mentale, beaucoup de fatigue, beaucoup d’histoires de consommation, d’enfants à la DPJ… Ces femmes-là sont dans un moment de tempête de leur vie quand elles sont à l’Auberge Madeleine. La Maison des Amis, oui ils vivent des difficultés, mais c’est pas vraiment parce qu’ils sont dans une crise, versus l’Auberge Madeleine où les personnes sont dans un moment de crise. 

C’est sûr que ça donne une autre énergie. Des fois les femmes sont plus fatiguées, elles ont plus de difficulté à s’engager dans la conversation et tout ça, donc il faut trouver des stratégies – d’ailleurs qu’on a présentées à la fourmilière : comment aborder les femmes à l’Auberge Madeleine? On a choisi de se centrer beaucoup sur la création, l’appréciation de l’art ou le regard de l’action sociale à travers la création. La création c’est apaisant, à la suite des ateliers créatifs qu’on a fait, les femmes vont dire : « Ah ça fait tellement du bien, j’avais tellement besoin de ça! » On essaye de faire un mélange entre créer, mais lancer un message en même temps. Comme pour le 8 mars, on a créé des affiches et ça disait des beaux messages comme « je suis une femme et j’ai de la valeur » et on est allé les afficher dans le quartier.

À un moment donné, on en affichait une qui disait justement quelque chose comme ça. Puis là, y’avait un homme qui nous regardait, on s’est tourné vers lui puis il a dit : « Moi je reconnais votre valeur mesdames! » Il était tout fier de lui! [rires] C’était tellement cute! Les femmes sont fières d’elles aussi, il y avait une participante qui était venue poser les affiches puis elle était vraiment dedans, elle était contente de faire ça.

L’intervenante qui était avec nous, elle vient à tous les ateliers, elle fait les suivis avec nous, elle est super engagée là-dedans aussi. Ça c’est une grande aide. Comme les femmes vivent un moment de crise, elle peut entendre ce qui se passe, puis peut-être que ça peut être récupéré plus tard dans des moments d’intervention individuelle. C’est sûr que c’est un terrain qui est pas facile à cause de ça, faut essayer de trouver des bonnes stratégies pour ce qu’on apporte, que ce soit pas alourdissant, mais plus apaisant. Il faut trouver les sujets qu’on va aborder, des fois ils peuvent être heavy, on le sait pas… Ou des fois on se dit « On va tu là? On va tu pas là? » On veut pas créer des triggers, du stress par rapport aux traumatismes que ces femmes-là peuvent vivre,  mais en général ça va quand même assez bien.

Vous avez vraiment réfléchi à comment vous allez aborder ces femmes-là dans les ateliers, puis là je me demandais, pour nous aider à visualiser, c’est quoi toutes les autres préparations que ça implique?

J’ai un exemple qui me vient en tête : les personnes qu’on rencontre sont vraiment différentes au niveau des capacités à s’exprimer verbalement et avec l’écriture. C’est pas tout le monde – puis pas juste dans nos terrains – à qui tu poses une question et qui peut te répondre rapidement genre « ah oui j’ai des idées, elles sont dans ma tête et je les dis ici et maintenant. » Il y a beaucoup de personnes qui ont besoin de réfléchir, de se poser, de se dire « bon, c’est quoi que je pense? » avant de pouvoir le dire. Donc ça c’est des enjeux… Par exemple il y a une personne neuroatypique – elle s’est nommée elle-même comme neuro-atypique – il y a la santé mentale, il y a des choses qu’on soupçonne, mais c’est pas nécessaire qu’on sache, c’est juste qu’on observe la capacité de participation, on voit que y’a différents styles. Nous, ça nous interpelle, on se dit « bon, qu’est-ce qu’on fait pour que chaque personne se sente incluse? »

En parallèle avec notre projet d’audio – parce qu’il y a beaucoup de rencontres, d’un côté puis de l’autre côté, il y a une certaine attente, on peut pas juste être en action-réaction dans ce projet, c’est un long projet – Mathieu et moi on avait décidé d’incorporer des ateliers où on réfléchit sur la société. On prenait un sujet – on a quand même apporté beaucoup de sujets, on a parlé de la consommation, de l'éducation, des valeurs, de l’identité individuelle versus l’identité collective, le vivre ensemble, puis le dernier on a parlé de la culture. Comment créer une définition commune? Qu’est-ce que moi j’en pense personnellement? On l’amène au grand groupe, on en jase ensemble…

Quand on a parlé de la consommation, notre premier sujet, il y avait une personne qui avait beaucoup d’idées là-dessus et qui prenait beaucoup de place, puis d’autres que ça avait confronté, d’autres qui savaient pas trop ce qu’ils en pensaient. Quand on est arrivé à notre deuxième sujet, qui était l’éducation, on s’est dit « ok il faudrait qu’on trouve une stratégie », donc on a décidé d’utiliser une stratégie qui s’appelle la pensée design. Les ateliers de pensée design c’est d’utiliser des objets ou la création pour faire une sorte de modelage de ton idée. Tu fais une sorte de mini maquette et après ça tu l’expliques. C’est pas le résultat visuel de ton organisation qui est important, c’est plutôt la signification que t’as mise à l’intérieur de ce que t’as créé.

Nous on a acheté de la pâte à modeler. Là faut se dire, c’est des adultes : des fois il y en a qui disent qu’ils n’aiment pas jouer, mais bon, ils disent ça, mais finalement ils embarquent pas mal! Donc là on a acheté de la pâte à modeler, puis on a abordé ça. En fait, on se prépare vraiment beaucoup! [rires] On se rencontre ensemble puis on se dit : de quoi on va parler? On veut parler de l’éducation, mais qu’est-ce qu’on veut dire de l’éducation? Les sujets sont vastes, il faut qu’on ait des questions claires, il faut qu’on cadre notre conversation, parce que si on fait pas ça, on arrive à rien d’intéressant, il se passe rien, y’a pas de magie, ça mousse pas. Il faut vraiment qu’on ait une question claire. À chaque fois qu’on aborde un sujet, on a une question puis après ça on le décortique en petites parties de questions. En gros on leur demandait c’était quoi leur classe idéale. Chaque personne s’est assise avec sa pâte à modeler et on leur a demandé de créer. C’était vraiment intéressant, ça a bien fonctionné parce que les gens ont eu le temps de s’y attarder.

En modelant tu réfléchis à la question… 

 Exactement! Tu t’assois et là on leur a dit « faites votre classe idéale ». On leur a demandé : qui enseigne? Ça se passe où? C’est quoi le sujet le plus important? On a découvert les talents d’un des participants qui était vraiment là… Ça l’avait allumé! D’autres qui avaient une vision bien cartésienne de l’affaire, d’autres qui étaient vraiment flyés. Chacun·e avait fait son petit modèle, puis là tout d’un coup, quand tu parles de ton modèle, ça t’amène à dire « j’ai fait ce choix-là parce que… » Par exemple, une des participantes disait : Moi quand j’étais petite à l’école c’était vraiment difficile, je me faisais beaucoup intimider. Donc moi ce que je trouve qui est le plus important, c’est que les enfants soient entourés d’adultes bienveillants. Puis là, elle avait fait plusieurs adultes. Elle disait : « La professeure dans le film Mademoiselle C, elle était l’fun, elle aimait les enfants. Moi, ma professeure, elle serait comme ça! » Il y en a un autre qui disait : « C’est les parents qui devraient faire l’école aux enfants et ça devrait être un à un, un adulte pour un enfant. » Une autre personne disait qu’il faut que ce soit à la plage; il y avait beaucoup de forêts, beaucoup de nature, puis il y avait des personnes qui disaient « non non, c’est une classe ordinaire puis les mathématiques c’est vraiment important. » Ça détonnait un peu, donc nous ce qu’on disait c’est : oui les maths c’est important, pourquoi les maths ça peut être important? Les gens disaient « tu peux faire un budget… »

On essaye de récupérer tout ça pour qu’on ait une conversation intéressante puis avec toutes ces réponses-là qu’on recueille, on va faire un grand atelier sur la société idéale. On va séparer tous les sujets pour revenir là-dessus et consolider les conversations qu’on a eues avec eux. C’est un peu ça notre grand plan, on a des sous-plans, donc les personnes viennent et font une activité qui a l’air vraiment ludique, mais nous on a l’idée de la journée – comment on fait pour investir chacune des personnes, que chaque personne puisse participer, quand les personnes on plus de misère on va les voir. Une personne qui a de la difficulté avec l’écriture par exemple, on les spot tranquillement, on apprend à se connaître, donc quand on a un moment de réflexion on va vers ces personnes-là puis on dit « est-ce que je peux t’aider à écrire tes idées, c’est quoi tes idées, qu’est-ce que t’en penses? » On prend des notes, ça aide cette personne-là à pouvoir participer aussi.

Donc c’est ça, notre préparation c’est d’arriver à avoir une conversation où tout le monde va avoir apporté leur point de vue. Ça semble un peu abstrait quand on le fait pas, mais on développe des stratégies à force de le faire puis on a la chance à la Maison des Amis de connaitre les personnes, donc ça nous aide beaucoup, on peut anticiper qui va être là. Il y a des terrains où tu peux pas anticiper, comme à l’Auberge Madeleine, où il faut que tu trouves des choses qui sont un peu plus générales, puis que tu puisses réagir sur le coup. C’est pas toujours magique, des fois ça marche pas, c’est sûr que ça arrive, ça fait partie d’la game! [rires]

Ouais ça c’est quelque chose que j’entends souvent, t’as beau te préparer, des fois il faut que tu improvises, puis des fois ça marche juste pas. Après tu reviens et tu t’adaptes.

La majorité du temps il va falloir que tu improvises à un moment donné, mais c’est là où l’expérience joue aussi puis surtout, il faut pas se mettre dans un état d’esprit de performance, parce que ça marche pas. Tu demandes pas ça aux gens que tu vas voir, alors il faut pas que tu te le demandes non plus. Ça c’est dur par exemple. Pour moi c’est difficile. [rires

Oui, on a vraiment l’idée qu’il faut qu’on accomplisse quelque chose, qu’il faut qu’on performe.

Oui, moi je me vois comme médiatrice professionnelle, c’est mon travail, c’est mon métier. C’est sûr que je veux performer, mais c’est quoi la mesure de la performance? C’est ça la grande question. Moi quand il y a une sorte de… Des beaux moments – à un moment donné on parle d’identité à la Maison des Amis, puis il y a une personne qui dit « Moi je pense que je peux pas avoir une identité parce que mon enfance c’était trop poche, ma mère elle m’aimait pas, mon enfance c’était juste du malheur, donc je vois pas vraiment comment c’est possible que j’aie une identité. » Eille, ça a levé – pas juste les médiateurs et médiatrices, mais les personnes dans le groupe aussi – ça a créé une réaction. Moi ma réaction spontanée a été de dire : « Les choses qu’on apprend, qu’on construit à travers nos expériences difficiles, ça contribue à la construction de notre identité. » Puis là les personnes disaient : « T’as une identité, t’es bonne là-dedans, tu chantes bien, t’es sociable, t’es gentille avec les gens. » Cette personne-là tout d’un coup elle est comme ah… Elle vit des choses, ça crée un soutien les uns envers les autres et plein d’autres choses qu’on voit pas, plein de choses qu’on ne saura jamais aussi. Ça fait partie de l’intangible de notre travail.

Le groupe et les personnes continuent d’évoluer en dehors des ateliers… 

Des conversations qu’ils vont avoir avec d’autres personnes après, tout ce que ça fait comme ramifications, des fois on a la chance d’avoir une mini fenêtre là-dessus, mais souvent on le sait pas.

On parlait de ça aussi avec Tiphaine, c’est vraiment difficile de savoir qu’est-ce qui appartient à Exeko comme impacts et qu’est-ce qui appartient plus à la personne, à son développement et tout… Mais est-ce que tu aurais une anecdote du terrain qui illustre les impacts d’un projet?

C’est une personne que j’ai connu un petit peu à travers la Maison des Amis. En fait il nous reconnaissait, il savait c’était quoi Exeko. On se présentait, on avait la Mobile, puis là lui il dit « ah ouais, mais moi je connais ça. » Il commence à dire que dans ce temps-là il allait vraiment pas bien, il consommait beaucoup, puis il était très très centré sur ses problèmes. Il dit : « À un moment donné, je commençais à croiser la van puis il y a quelqu’un qui a commencé à me donner des livres. Quand j’ai commencé à avoir des livres, je me suis mis à lire, puis là tout d’un coup on dirait que j’ai arrêté un peu de me regarder le nombril, puis j’ai commencé à agir sur mes problèmes. » Il attribue un crédit au fait qu’il a rencontré Exeko qu’il a commencé à lire, il commençait à s’impliquer. Ça a ouvert son esprit. C’est sûr que le cheminement que cet homme-là a vécu pour arriver à son point de non-retour, où il s‘est dit « ok ça suffit il faut que je me prenne en main, ça marche plus, il faut que j’avance » c’est parsemé de plein de petites choses qui se passent, mais pour lui, Exeko ça avait eu un sens. Il venait aux ateliers puis il en parlait aux autres, il racontait comment il s’impliquait. Ça fait longtemps que je l’ai pas vu, je le sais qu’il a vécu des moments difficiles avec la pandémie, c’est sûr que ça provoque des hauts et des bas. C’est pas quelque chose que j’ai observé de mon travail comme tel, mais les gens dans la rue quand on se promène avec la Mobile ils la reconnaissent, ils te saluent même si toi tu les connais pas, mais c’est la Mobile qu'ils connaissent. Il y a ça qui démontre que ça a un sens pour ces personnes-là. Elles sourient quand elles te voient et tout ça.

Sinon dans mes terrains, je sais pas comment ça contribue nécessairement individuellement disons à sortir d’un moment de crise, mais c’est sûr que ça fait de l’apaisement. Je suis convaincue de ça, ça se ressent. C’est tellement – encore une fois – dans l’intangible. Tu le vis, quand t’es médiatrice, c’est quelque chose que tu vis beaucoup. Tu le vois qu’il se passe quelque chose, mais tu sais pas trop où ça va s’en aller pour la personne. Tu le constates, puis toi t’as juste pu te dire « ah, ok ça a marché, j’ai réussi, y’a eu de la magie aujourd’hui. » Mais après, qu’est-ce qu’il va arriver avec ça, tu le sais pas. C’est ça qui est particulier, c’est vraiment un métier qui est un peu… Pas cruel [rires] mais quelque part y’a quelque chose comme ça, tu le sais que ça vaut la peine, moi je suis convaincue de ça, mais comment le mesurer, c’est dur… 

Je comprends tellement ce que tu veux dire et je suis contente d’avoir fait des sorties parce que ça m’aide à comprendre comment ça se passe. Puis juste quand tu pars avec la van, tu le sais en partant si « bon, aujourd’hui ça leur tentait pas trop puis c’est correct » ou des fois avec d’autres groupes tu pars et ils te font bye bye avec des gros sourires. Tu les as mis de bonne humeur puis tu le sais qu’il y a eu quelque chose.

Oui! Puis un moment donné à notre premier atelier à l’Auberge Madeleine on avait amené des mots puis on avait proposé de faire une activité d’écriture automatique. Comme on voulait pas mettre les femmes face au fait, admettons « est-ce que moi j’ai assez de vocabulaire pour faire ça? » on avait amené des mots pour pouvoir soutenir un peu leurs idées. Il y avait une femme qui avait écrit un texte superbe. Elle était fière et elle disait « ça m’a donné de l’inspiration! » et quand elle l’a lu, spontanément tout le monde a applaudi. C’est pas nous qui avons amené ça; son cheminement l’a amené à ce qu’elle voit tout ça, elle prend ça, ça a un sens pour elle, elle a le goût de raconter cette histoire-là. C’est un moment où elle peut s’exprimer. Peut-être que si on avait pas créé notre moment, notre atelier, qu’on avait pas été là avec elle, qu’on avait pas choisi cette stratégie-là, peut-être qu’elle aurait pas pu s’exprimer de cette façon-là à ce moment-là. Mais clairement c’était déjà là en dedans d’elle. Elle était vraiment bonne.

Puis maintenant pour toi, est-ce qu’il y aurait un ou des moments forts? Un moment qui t’a marqué?

Pendant Métissages Urbains avec Batone, il y avait plein de choses qui se passaient. À l’été 2019, il jouait de la musique, puis nous on faisait tout un dispositif puis on invitait les gens à venir dessiner pendant que Batone jouait. L’idée c’était qu’ils s’inspirent de ce que la musique leur donnait comme émotion. Il y avait un gars qui était arrivé, c’était la fin de la journée, il était tout habillé en travail, chic et tout, pantalons propres avec son sac à dos. Il s’était assis, il avait pas enlevé son sac de son dos, il avait commencé à dessiner, puis il avait quelque chose de tellement beau! Il nous l’avait laissé puis il avait dit « Ça fait dix ans que j’ai pas dessiné. » Puis je pense qu’il est revenu une autre fois, parce qu’on avait fait quatre sorties, puis deux à cet endroit-là spécifique. Il nous avait revu puis je pense qu’il avait refait un autre dessin. Il disait que ça faisait super longtemps qu’il avait pas fait ça dans sa vie, il avait pas l’occasion de le faire. Il était cool son dessin! Ce qui m’avait marqué c’est qu’il est resté avec son sac sur lui, encore en mode travail, puis y’avait fait un dessin super beau.

Ah oui, une autre belle anecdote! Une personne à la Maison des Amis cet hiver – quand on a recommencé, parce qu’il y avait les consignes, puis ils étaient frileux à nous recevoir à l’intérieur. On comprenait, mais à un moment donné le besoin se faisait ressentir tellement parce que les gens allaient pas bien. Il manquait d’espace de sociabilité, donc ils nous ont permis d’aller dans leur salle commune, qui est vraiment grande, puis on s’est installé vraiment loin. Mais c’était l’hiver, alors au début, il y a certaines personnes qui venaient à nos ateliers un peu juste pour pouvoir s'asseoir à l’intérieur puis manger, mais pas nécessairement parce que ça les intéressait. Puis c’était bien correct, on les laissait venir quand même.

Il y avait un Monsieur, lui il venait mais il disait rien. Il disait rien pentoute, il s’asseyait dans le fond – il fait encore ça d’ailleurs, une seule fois il s’est pas assis dans le fond, mais il est retourné dans le fond après, donc je pense que ça l’a confronté un peu. Il s’asseyait, il mangeait, il nous écoutait, il disait rien, il se levait et il s’en allait. Il a fait ça pendant trois-quatre ateliers, puis vers le cinquième à un moment donné il a dit un mot. Puis là, à un moment donné la conversation tournait en rond, donc Mathieu avait essayé de trouver une stratégie efficace, il a dit : on va faire des votes. « Vous votez de zéro à dix, vous me dites votre chiffre puis on fait des moyennes et ça nous fait décider c’est quoi nos questions. » Les gens s'impatientaient, tout le monde disait « Ça niaise donc bin! », donc ok let’s go on fait ça.

Mon impression c’est que ce jour-là ça a débloqué. Il votait tout le temps cinq. Cinq! Puis là il disait rien… Cinq! La fois d’après on a continué et là il disait deux mots… La fois d’après on faisait de la pâte à modeler, là il a fait sa classe – c’est lui qui aimait les mathématiques. Et là, à un moment donné on a fait une création de personnage quand on parlait de l’identité. Son personnage était tellement élaboré, c’était fou! Lui il a passé de « pas dire un mot à nous regarder en train de manger » à « être un participant actif ». Ça s’est passé à peu près entre février et maintenant. Le changement est DRASTIQUE! 

C’est justement en multipliant les stratégies de participations – quand on se dit « bon comment on fait pour que tout le monde puisse être inclu? » Ils sont pas à l’aise de parler devant le groupe… Il y a plein de raisons pour lesquelles les gens s’impliquent pas.

Oui et vous avez pas poussé, vous l’avez pas forcé à faire quoi que ce soit, c’est tout venu de lui!

 

On l’interpellait – moi je l’interpellais et j’ai l’impression que ça l’agressait. J’allais le voir souvent et je disais « ça va? » J’ai l’impression qu’il aimait pas ça et qu’il était plus à l’aise avec Mathieu. Ce groupe-là, je le redis, c’est super important qu’on soit un duo homme-femme. C’est pas mon énergie seulement, c’est aussi le faite que je sois une femme. Mathieu c’est pas juste son énergie, c’est le fait qu’il est un homme. Il y a un besoin de ça, puis mon collègue José et moi, le premier cycle qu’on a fait, ça a été un constat : on doit être homme-femme. Quand José est parti, j’ai été en duo avec Dorothée puis ça avait changé toute l’énergie. J’étais comme « ok ça marche pas, pourquoi ça ne marche plus? Ça marchait super bien! » C’est une chose que j’avais observée, puis je dis pas qu’on peut pas faire un atelier juste deux femmes ou juste hommes une fois de temps en temps, mais si on est là pour longtemps… Puis quand Mathieu est arrivé et je lui ai expliqué ça, il l’a constaté tout de suite aussi, il comprenait ce que je voulais dire. 

Oui il y a des gens que, juste naturellement, ils vont vraiment plus s’ouvrir facilement avec des hommes, puis d’autres avec des femmes…

[...] 

Puis si tu avais à utiliser trois mots pour décrire ton travail, ce seraient lesquels?

Les trois mots qui me viennent en tête, c’est… J’hésite entre rencontres ou échanges… Je dirais rencontres, expériences (dans le sens de expérientiel, pas dans le sens d’avoir de l’expérience, plus comme vivre une expérience), puis l’autre je dirais bienveillance. J’allais dire affection, mais c’est dans la bienveillance vraiment que ça se passe, cette énergie-là spéciale d’Exeko et de mon travail de médiatrice.

La dernière question c’est plus sur Exeko : qu’est-ce qui t’anime chez Exeko, qu’est-ce qui donne de la valeur à ton travail?

Mon cheminement vers devenir médiatrice, c’est quelque chose qui dure depuis longtemps, ça fait quand même depuis 2012 que j’ai commencé dans le milieu communautaire, puis mon objectif c’était ça : d’être médiatrice culturelle en fait. Quand j’ai commencé à chercher là-dessus et que j’avais des questionnements, je cherchais quelque chose au croisement de l’art et du social, j’avais l’impression que c’était ma place professionnelle et le communautaire ça m'interpellait beaucoup. Puis Exeko j’ai spotté tout de suite, parce que si tu google ça, tu trouves Exeko tout de suite. Donc moi je connaissais Exeko virtuellement dès le début de mes recherches, je me disais « il me semble que c’est ma place ». Je savais pas trop quoi faire pour m’inclure. Je suis devenue bénévole en 2017. C’est sûr que pour moi, la force d’Exeko (puis c’est un peu sa faiblesse en même temps maintenant que je suis à l’intérieur), c’est la capacité à être sur le terrain puis réfléchir à ton terrain en même temps. 

Il y a le mélange que je trouve vraiment génial entre réfléchir à quelque chose puis agir sur cette réflexion-là : agir et réfléchir. Il y a un échange constant là-dessus, parce que justement moi je veux pas juste le faire puis je veux surtout pas juste y réfléchir. Donc c’est ça la plus-value d’Exeko, pour moi c’est cet aspect combiné. Il y a pas beaucoup de milieux qui combinent les deux. Mais aussi, ce sont ces terrains-là, parce que oui je pourrais travailler dans un organisme de première ligne et potentiellement – comme par exemple, il y a des gens à l’Auberge Madeleine qui organisent des activités pour les résidentes, ça existe tout ça; mais le bonheur d’Exeko c’est de justement pas nécessairement être à l’intérieur du milieu. Tu viens et t’agis plus sur un ensemble et tu peux aller dehors avec les personnes, tu vas rejoindre les gens où ils sont, puis moi je le vois pas où ça se peut ailleurs qu’à Exeko. Les terrains sont vraiment variés, il y a des médiateurs qui vont dire « moi je travaille juste avec des jeunes ou moi je travaille juste avec les communautés autochtones. » C’est tellement vaste que tu peux te nicher à l’intérieur même de l'organisme et ça je trouve ça super. Moi je me suis pas nichée, parce que ça fait deux ans environ que je suis là, puis je sais pas si je suis prête à le faire, sauf que je le vois bien que les gens qui me stimulent beaucoup c’est plus les adultes âgés. Je le vois que ça m’amène quelque chose, ça m’allume beaucoup. Il faut dire que comme je travaille ailleurs aussi, je travaille beaucoup avec des enfants, donc peut-être que c’est l’équilibre.

Donc à Exeko il y a cette force de diversité, avec chacun·e ses styles puis aussi on travaille en binôme et ça c’est le fun parce que tu vois le style de l’autre, ton style avec une personne c’est pas le même qu’avec une autre, tu apprends beaucoup de ça. Puis la communauté de pratique c’est tellement précieux, c’est la clé de tout ça. Je voudrais pas que ça se perdre, parce que sinon Exeko serait pas Exeko vraiment.

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C’est vraiment intéressant de voir le même projet (à l’Auberge Madeleine) à travers les yeux d’une autre médiatrice, la diversité des styles, les visions différentes, mais aussi complémentaires. La création, l’improvisation, l’engagement social sont des stratégies et des thèmes qui reviennent dans la philosophie des médiateurs et médiatrices d’Exeko. Le dévouement et la sincérité se font ressentir à travers les mots de Valérie. Je la remercie pour son temps et pour cette conversation précieuse et nourrissante.

 

ENTREVUE AVEC VALÉRIE : RENCONTRES, EXPÉRIENCES ET BIENVEILLANCE

Après Batone puis Tiphaine, nous verrons maintenant le témoignage de Valérie, sa vision, ses réflexions, son parcours, etc. Valérie fut bénévole puis médiatrice à Exeko depuis 2017 et elle nous partage à travers son œil bienveillant des moments de magie vécus sur le terrain dans le cadre de différents projets. Bonne rencontre!

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 Maude Blanchet Léger

Sur quels projets travailles-tu en ce moment?

Je travaille principalement sur deux idAction qui se passent dans des organismes du Plateau-Mont-Royal, un à la Maison des Amis du Plateau Mont-Royal et l’autre à l’Auberge Madeleine, mais en ce moment à l’Auberge on est en pause estivale. J’ai vraiment la chance de me retrouver sur deux terrains qui font partie d’une entente avec l’arrondissement du Plateau, sur un financement de trois ans, donc c’est le début de la deuxième année de ces deux projets-là – de mars à mars. Ça fait en sorte qu’on a vraiment le temps d’explorer ces terrains-là. C’est deux énergies vraiment différentes : à la Maison des Amis, le groupe change un peu, mais il y a quand même des personnes qui sont stables depuis le début, tandis que l’Auberge Madeleine ça change beaucoup, parce que c’est un hébergement temporaire. La Maison des Amis, c’est un centre de jour, donc les gens vont se chercher à manger puis rencontrer des personnes.  

C’est mes deux principaux terrains puis sinon, je suis aussi sur Musée de Quartiers, qui était un projet expérimental qu’on avait un peu cogité au début de la pandémie. C’est plus de la réflexion, il y a eu un atelier, il va y en avoir un autre en juin.

Je suis aussi sur la réflexion du chantier de la Mobile, parce que la Mobile ça fait partie de mes terrains même si je sors pas en ce moment. On réfléchit beaucoup à comment pérenniser et rendre ça plus sécuritaire je dirais – pas que c’est pas sécuritaire physiquement, mais il y a un engagement émotif dans ce projet-là – puis on réfléchit ensemble pour trouver des bonnes stratégies pour que tout le monde soit à l’aise. Je suis assez occupée quand même! [rires]

Et les groupes à l’Auberge Madeleine et la Maison des Amis c’est assez changeant, y’a un roulement, sinon comment décrirais-tu le profil des participant·es?

À la Maison des Amis c’est des adultes, cinquante ans et plus – il y a peut-être quelques personnes d’un peu moins de cinquante ans. C’est drôle parce qu’on fait un projet à la Maison des Amis, Dialogue Improbable, qui était un autre projet réfléchi pendant la pandémie, puis on a utilisé cette prémisse-là de rencontres improbables à travers des enregistrements audio entre deux groupes. On a carrément incorporé ce projet dans notre trame d’idAction avec la Maison des Amis, puis on parle avec un groupe de SINGA. SINGA Québec c’est un organisme qui travaille avec des nouveaux et nouvelles arrivant·es, l’inclusion dans la société, ils font des activités ensemble. Ils ont un groupe de médiation culturelle et on est ensemble là-dessus. 

En ce moment, ces deux groupes-là se rencontrent de façon audio, ils se rencontrent pas dans la vraie vie. À travers ce projet-là, on a demandé au groupe de la Maison des Amis et aussi au groupe de SINGA de s’auto-identifier. Comment on faisait pour les présenter? On savait pas trop comment les présenter… Est-ce que c’est nous avec notre regard sur eux ou on leur demande à eux de se présenter? Donc ils ont choisi de se présenter comme un groupe, qui oui évidemment vit avec la pauvreté, mais qui est actif, sociable, engagé. À la Maison des Amis c’est ceux qui viennent le plus aux activités; je décrirais que c’est un groupe vraiment éclectique – c’est un mot qu’une des personnes a utilisé.

L’intervenante qui interpellait Exeko pour partir le projet, qui a eu l’idée de collaborer, elle disait : « il me semble qu’il y a un besoin d’une place où les gens peuvent parler. » C’est tellement vrai! Elle a bien vu ce besoin-là. Les gens ont plein de bonnes idées, ils sont expérimentés, ils ont plus de cinquante ans, ils se connaissent, ils ont de l’expérience de vie. C’est sûr que ça ressort beaucoup dans les conversations qu’on amène. C’est pas comme faire un atelier d’idAction avec des jeunes de 18 ans sur un certain sujet, quand tu le fais avec des adultes, comme à la Maison des Amis, les idées qu’ils ont, la vision qu’ils ont d’eux-mêmes, c’est vraiment différent. Je te dirais que c’est un groupe assez hétérogène, puis bizarrement même quand les opinions sont vraiment opposées, on réussit tout le temps à trouver un terrain d’entente. C’est vraiment un beau groupe! 

C’est surtout des hommes, il y a un peu de femmes, mais c’est majoritairement des hommes qui sont là-bas. D’ailleurs on a un duo homme-femme, médiateur et médiatrice, puis c’est vraiment un besoin pour ce terrain-là, c’est ça qui est particulier aussi. C’est vraiment un besoin d’avoir un binôme homme-femme, sinon j’ai l’impression que l’énergie est comme déséquilibrée. En étant homme-femme ça marche bien, c’est quelque chose qu’on a observé assez vite sur le terrain.

Tu es avec quel médiateur à la Maison des Amis?

Je suis avec Mathieu Riel. José Fuca était là avec moi au début. On est là depuis 2019, il y a eu quelques petits changements, mais moi je suis là depuis le début. Tiphaine est venue comme médiatrice, Dorothée aussi un peu… 

Puis à l’Auberge Madeleine c’est plus avec Tiphaine?

Et Isabelle, oui! On est en équipe de trois, on a décidé de faire une sorte de rotation, comme c’est sur trois ans on voulait assurer une certaine stabilité. Là-bas c’est des femmes de tous les âges. Leur point commun c’est qu’elles viennent vraiment parce qu’elles ont des difficultés : soit elles ont perdu leur logement, soit elles vivent de la violence conjugale, elles partent d’une situation de violence, beaucoup d’enjeux de santé mentale, beaucoup de fatigue, beaucoup d’histoires de consommation, d’enfants à la DPJ… Ces femmes-là sont dans un moment de tempête de leur vie quand elles sont à l’Auberge Madeleine. La Maison des Amis, oui ils vivent des difficultés, mais c’est pas vraiment parce qu’ils sont dans une crise, versus l’Auberge Madeleine où les personnes sont dans un moment de crise. 

C’est sûr que ça donne une autre énergie. Des fois les femmes sont plus fatiguées, elles ont plus de difficulté à s’engager dans la conversation et tout ça, donc il faut trouver des stratégies – d’ailleurs qu’on a présentées à la fourmilière : comment aborder les femmes à l’Auberge Madeleine? On a choisi de se centrer beaucoup sur la création, l’appréciation de l’art ou le regard de l’action sociale à travers la création. La création c’est apaisant, à la suite des ateliers créatifs qu’on a fait, les femmes vont dire : « Ah ça fait tellement du bien, j’avais tellement besoin de ça! » On essaye de faire un mélange entre créer, mais lancer un message en même temps. Comme pour le 8 mars, on a créé des affiches et ça disait des beaux messages comme « je suis une femme et j’ai de la valeur » et on est allé les afficher dans le quartier.

À un moment donné, on en affichait une qui disait justement quelque chose comme ça. Puis là, y’avait un homme qui nous regardait, on s’est tourné vers lui puis il a dit : « Moi je reconnais votre valeur mesdames! » Il était tout fier de lui! [rires] C’était tellement cute! Les femmes sont fières d’elles aussi, il y avait une participante qui était venue poser les affiches puis elle était vraiment dedans, elle était contente de faire ça.

L’intervenante qui était avec nous, elle vient à tous les ateliers, elle fait les suivis avec nous, elle est super engagée là-dedans aussi. Ça c’est une grande aide. Comme les femmes vivent un moment de crise, elle peut entendre ce qui se passe, puis peut-être que ça peut être récupéré plus tard dans des moments d’intervention individuelle. C’est sûr que c’est un terrain qui est pas facile à cause de ça, faut essayer de trouver des bonnes stratégies pour ce qu’on apporte, que ce soit pas alourdissant, mais plus apaisant. Il faut trouver les sujets qu’on va aborder, des fois ils peuvent être heavy, on le sait pas… Ou des fois on se dit « On va tu là? On va tu pas là? » On veut pas créer des triggers, du stress par rapport aux traumatismes que ces femmes-là peuvent vivre,  mais en général ça va quand même assez bien.

Vous avez vraiment réfléchi à comment vous allez aborder ces femmes-là dans les ateliers, puis là je me demandais, pour nous aider à visualiser, c’est quoi toutes les autres préparations que ça implique?

J’ai un exemple qui me vient en tête : les personnes qu’on rencontre sont vraiment différentes au niveau des capacités à s’exprimer verbalement et avec l’écriture. C’est pas tout le monde – puis pas juste dans nos terrains – à qui tu poses une question et qui peut te répondre rapidement genre « ah oui j’ai des idées, elles sont dans ma tête et je les dis ici et maintenant. » Il y a beaucoup de personnes qui ont besoin de réfléchir, de se poser, de se dire « bon, c’est quoi que je pense? » avant de pouvoir le dire. Donc ça c’est des enjeux… Par exemple il y a une personne neuroatypique – elle s’est nommée elle-même comme neuro-atypique – il y a la santé mentale, il y a des choses qu’on soupçonne, mais c’est pas nécessaire qu’on sache, c’est juste qu’on observe la capacité de participation, on voit que y’a différents styles. Nous, ça nous interpelle, on se dit « bon, qu’est-ce qu’on fait pour que chaque personne se sente incluse? »

En parallèle avec notre projet d’audio – parce qu’il y a beaucoup de rencontres, d’un côté puis de l’autre côté, il y a une certaine attente, on peut pas juste être en action-réaction dans ce projet, c’est un long projet – Mathieu et moi on avait décidé d’incorporer des ateliers où on réfléchit sur la société. On prenait un sujet – on a quand même apporté beaucoup de sujets, on a parlé de la consommation, de l'éducation, des valeurs, de l’identité individuelle versus l’identité collective, le vivre ensemble, puis le dernier on a parlé de la culture. Comment créer une définition commune? Qu’est-ce que moi j’en pense personnellement? On l’amène au grand groupe, on en jase ensemble…

Quand on a parlé de la consommation, notre premier sujet, il y avait une personne qui avait beaucoup d’idées là-dessus et qui prenait beaucoup de place, puis d’autres que ça avait confronté, d’autres qui savaient pas trop ce qu’ils en pensaient. Quand on est arrivé à notre deuxième sujet, qui était l’éducation, on s’est dit « ok il faudrait qu’on trouve une stratégie », donc on a décidé d’utiliser une stratégie qui s’appelle la pensée design. Les ateliers de pensée design c’est d’utiliser des objets ou la création pour faire une sorte de modelage de ton idée. Tu fais une sorte de mini maquette et après ça tu l’expliques. C’est pas le résultat visuel de ton organisation qui est important, c’est plutôt la signification que t’as mise à l’intérieur de ce que t’as créé.

Nous on a acheté de la pâte à modeler. Là faut se dire, c’est des adultes : des fois il y en a qui disent qu’ils n’aiment pas jouer, mais bon, ils disent ça, mais finalement ils embarquent pas mal! Donc là on a acheté de la pâte à modeler, puis on a abordé ça. En fait, on se prépare vraiment beaucoup! [rires] On se rencontre ensemble puis on se dit : de quoi on va parler? On veut parler de l’éducation, mais qu’est-ce qu’on veut dire de l’éducation? Les sujets sont vastes, il faut qu’on ait des questions claires, il faut qu’on cadre notre conversation, parce que si on fait pas ça, on arrive à rien d’intéressant, il se passe rien, y’a pas de magie, ça mousse pas. Il faut vraiment qu’on ait une question claire. À chaque fois qu’on aborde un sujet, on a une question puis après ça on le décortique en petites parties de questions. En gros on leur demandait c’était quoi leur classe idéale. Chaque personne s’est assise avec sa pâte à modeler et on leur a demandé de créer. C’était vraiment intéressant, ça a bien fonctionné parce que les gens ont eu le temps de s’y attarder.

En modelant tu réfléchis à la question… 

 Exactement! Tu t’assois et là on leur a dit « faites votre classe idéale ». On leur a demandé : qui enseigne? Ça se passe où? C’est quoi le sujet le plus important? On a découvert les talents d’un des participants qui était vraiment là… Ça l’avait allumé! D’autres qui avaient une vision bien cartésienne de l’affaire, d’autres qui étaient vraiment flyés. Chacun·e avait fait son petit modèle, puis là tout d’un coup, quand tu parles de ton modèle, ça t’amène à dire « j’ai fait ce choix-là parce que… » Par exemple, une des participantes disait : Moi quand j’étais petite à l’école c’était vraiment difficile, je me faisais beaucoup intimider. Donc moi ce que je trouve qui est le plus important, c’est que les enfants soient entourés d’adultes bienveillants. Puis là, elle avait fait plusieurs adultes. Elle disait : « La professeure dans le film Mademoiselle C, elle était l’fun, elle aimait les enfants. Moi, ma professeure, elle serait comme ça! » Il y en a un autre qui disait : « C’est les parents qui devraient faire l’école aux enfants et ça devrait être un à un, un adulte pour un enfant. » Une autre personne disait qu’il faut que ce soit à la plage; il y avait beaucoup de forêts, beaucoup de nature, puis il y avait des personnes qui disaient « non non, c’est une classe ordinaire puis les mathématiques c’est vraiment important. » Ça détonnait un peu, donc nous ce qu’on disait c’est : oui les maths c’est important, pourquoi les maths ça peut être important? Les gens disaient « tu peux faire un budget… »

On essaye de récupérer tout ça pour qu’on ait une conversation intéressante puis avec toutes ces réponses-là qu’on recueille, on va faire un grand atelier sur la société idéale. On va séparer tous les sujets pour revenir là-dessus et consolider les conversations qu’on a eues avec eux. C’est un peu ça notre grand plan, on a des sous-plans, donc les personnes viennent et font une activité qui a l’air vraiment ludique, mais nous on a l’idée de la journée – comment on fait pour investir chacune des personnes, que chaque personne puisse participer, quand les personnes on plus de misère on va les voir. Une personne qui a de la difficulté avec l’écriture par exemple, on les spot tranquillement, on apprend à se connaître, donc quand on a un moment de réflexion on va vers ces personnes-là puis on dit « est-ce que je peux t’aider à écrire tes idées, c’est quoi tes idées, qu’est-ce que t’en penses? » On prend des notes, ça aide cette personne-là à pouvoir participer aussi.

Donc c’est ça, notre préparation c’est d’arriver à avoir une conversation où tout le monde va avoir apporté leur point de vue. Ça semble un peu abstrait quand on le fait pas, mais on développe des stratégies à force de le faire puis on a la chance à la Maison des Amis de connaitre les personnes, donc ça nous aide beaucoup, on peut anticiper qui va être là. Il y a des terrains où tu peux pas anticiper, comme à l’Auberge Madeleine, où il faut que tu trouves des choses qui sont un peu plus générales, puis que tu puisses réagir sur le coup. C’est pas toujours magique, des fois ça marche pas, c’est sûr que ça arrive, ça fait partie d’la game! [rires]

Ouais ça c’est quelque chose que j’entends souvent, t’as beau te préparer, des fois il faut que tu improvises, puis des fois ça marche juste pas. Après tu reviens et tu t’adaptes.

La majorité du temps il va falloir que tu improvises à un moment donné, mais c’est là où l’expérience joue aussi puis surtout, il faut pas se mettre dans un état d’esprit de performance, parce que ça marche pas. Tu demandes pas ça aux gens que tu vas voir, alors il faut pas que tu te le demandes non plus. Ça c’est dur par exemple. Pour moi c’est difficile. [rires

Oui, on a vraiment l’idée qu’il faut qu’on accomplisse quelque chose, qu’il faut qu’on performe.

Oui, moi je me vois comme médiatrice professionnelle, c’est mon travail, c’est mon métier. C’est sûr que je veux performer, mais c’est quoi la mesure de la performance? C’est ça la grande question. Moi quand il y a une sorte de… Des beaux moments – à un moment donné on parle d’identité à la Maison des Amis, puis il y a une personne qui dit « Moi je pense que je peux pas avoir une identité parce que mon enfance c’était trop poche, ma mère elle m’aimait pas, mon enfance c’était juste du malheur, donc je vois pas vraiment comment c’est possible que j’aie une identité. » Eille, ça a levé – pas juste les médiateurs et médiatrices, mais les personnes dans le groupe aussi – ça a créé une réaction. Moi ma réaction spontanée a été de dire : « Les choses qu’on apprend, qu’on construit à travers nos expériences difficiles, ça contribue à la construction de notre identité. » Puis là les personnes disaient : « T’as une identité, t’es bonne là-dedans, tu chantes bien, t’es sociable, t’es gentille avec les gens. » Cette personne-là tout d’un coup elle est comme ah… Elle vit des choses, ça crée un soutien les uns envers les autres et plein d’autres choses qu’on voit pas, plein de choses qu’on ne saura jamais aussi. Ça fait partie de l’intangible de notre travail.

Le groupe et les personnes continuent d’évoluer en dehors des ateliers… 

Des conversations qu’ils vont avoir avec d’autres personnes après, tout ce que ça fait comme ramifications, des fois on a la chance d’avoir une mini fenêtre là-dessus, mais souvent on le sait pas.

On parlait de ça aussi avec Tiphaine, c’est vraiment difficile de savoir qu’est-ce qui appartient à Exeko comme impacts et qu’est-ce qui appartient plus à la personne, à son développement et tout… Mais est-ce que tu aurais une anecdote du terrain qui illustre les impacts d’un projet?

C’est une personne que j’ai connu un petit peu à travers la Maison des Amis. En fait il nous reconnaissait, il savait c’était quoi Exeko. On se présentait, on avait la Mobile, puis là lui il dit « ah ouais, mais moi je connais ça. » Il commence à dire que dans ce temps-là il allait vraiment pas bien, il consommait beaucoup, puis il était très très centré sur ses problèmes. Il dit : « À un moment donné, je commençais à croiser la van puis il y a quelqu’un qui a commencé à me donner des livres. Quand j’ai commencé à avoir des livres, je me suis mis à lire, puis là tout d’un coup on dirait que j’ai arrêté un peu de me regarder le nombril, puis j’ai commencé à agir sur mes problèmes. » Il attribue un crédit au fait qu’il a rencontré Exeko qu’il a commencé à lire, il commençait à s’impliquer. Ça a ouvert son esprit. C’est sûr que le cheminement que cet homme-là a vécu pour arriver à son point de non-retour, où il s‘est dit « ok ça suffit il faut que je me prenne en main, ça marche plus, il faut que j’avance » c’est parsemé de plein de petites choses qui se passent, mais pour lui, Exeko ça avait eu un sens. Il venait aux ateliers puis il en parlait aux autres, il racontait comment il s’impliquait. Ça fait longtemps que je l’ai pas vu, je le sais qu’il a vécu des moments difficiles avec la pandémie, c’est sûr que ça provoque des hauts et des bas. C’est pas quelque chose que j’ai observé de mon travail comme tel, mais les gens dans la rue quand on se promène avec la Mobile ils la reconnaissent, ils te saluent même si toi tu les connais pas, mais c’est la Mobile qu'ils connaissent. Il y a ça qui démontre que ça a un sens pour ces personnes-là. Elles sourient quand elles te voient et tout ça.

Sinon dans mes terrains, je sais pas comment ça contribue nécessairement individuellement disons à sortir d’un moment de crise, mais c’est sûr que ça fait de l’apaisement. Je suis convaincue de ça, ça se ressent. C’est tellement – encore une fois – dans l’intangible. Tu le vis, quand t’es médiatrice, c’est quelque chose que tu vis beaucoup. Tu le vois qu’il se passe quelque chose, mais tu sais pas trop où ça va s’en aller pour la personne. Tu le constates, puis toi t’as juste pu te dire « ah, ok ça a marché, j’ai réussi, y’a eu de la magie aujourd’hui. » Mais après, qu’est-ce qu’il va arriver avec ça, tu le sais pas. C’est ça qui est particulier, c’est vraiment un métier qui est un peu… Pas cruel [rires] mais quelque part y’a quelque chose comme ça, tu le sais que ça vaut la peine, moi je suis convaincue de ça, mais comment le mesurer, c’est dur… 

Je comprends tellement ce que tu veux dire et je suis contente d’avoir fait des sorties parce que ça m’aide à comprendre comment ça se passe. Puis juste quand tu pars avec la van, tu le sais en partant si « bon, aujourd’hui ça leur tentait pas trop puis c’est correct » ou des fois avec d’autres groupes tu pars et ils te font bye bye avec des gros sourires. Tu les as mis de bonne humeur puis tu le sais qu’il y a eu quelque chose.

Oui! Puis un moment donné à notre premier atelier à l’Auberge Madeleine on avait amené des mots puis on avait proposé de faire une activité d’écriture automatique. Comme on voulait pas mettre les femmes face au fait, admettons « est-ce que moi j’ai assez de vocabulaire pour faire ça? » on avait amené des mots pour pouvoir soutenir un peu leurs idées. Il y avait une femme qui avait écrit un texte superbe. Elle était fière et elle disait « ça m’a donné de l’inspiration! » et quand elle l’a lu, spontanément tout le monde a applaudi. C’est pas nous qui avons amené ça; son cheminement l’a amené à ce qu’elle voit tout ça, elle prend ça, ça a un sens pour elle, elle a le goût de raconter cette histoire-là. C’est un moment où elle peut s’exprimer. Peut-être que si on avait pas créé notre moment, notre atelier, qu’on avait pas été là avec elle, qu’on avait pas choisi cette stratégie-là, peut-être qu’elle aurait pas pu s’exprimer de cette façon-là à ce moment-là. Mais clairement c’était déjà là en dedans d’elle. Elle était vraiment bonne.

Puis maintenant pour toi, est-ce qu’il y aurait un ou des moments forts? Un moment qui t’a marqué?

Pendant Métissages Urbains avec Batone, il y avait plein de choses qui se passaient. À l’été 2019, il jouait de la musique, puis nous on faisait tout un dispositif puis on invitait les gens à venir dessiner pendant que Batone jouait. L’idée c’était qu’ils s’inspirent de ce que la musique leur donnait comme émotion. Il y avait un gars qui était arrivé, c’était la fin de la journée, il était tout habillé en travail, chic et tout, pantalons propres avec son sac à dos. Il s’était assis, il avait pas enlevé son sac de son dos, il avait commencé à dessiner, puis il avait quelque chose de tellement beau! Il nous l’avait laissé puis il avait dit « Ça fait dix ans que j’ai pas dessiné. » Puis je pense qu’il est revenu une autre fois, parce qu’on avait fait quatre sorties, puis deux à cet endroit-là spécifique. Il nous avait revu puis je pense qu’il avait refait un autre dessin. Il disait que ça faisait super longtemps qu’il avait pas fait ça dans sa vie, il avait pas l’occasion de le faire. Il était cool son dessin! Ce qui m’avait marqué c’est qu’il est resté avec son sac sur lui, encore en mode travail, puis y’avait fait un dessin super beau.

Ah oui, une autre belle anecdote! Une personne à la Maison des Amis cet hiver – quand on a recommencé, parce qu’il y avait les consignes, puis ils étaient frileux à nous recevoir à l’intérieur. On comprenait, mais à un moment donné le besoin se faisait ressentir tellement parce que les gens allaient pas bien. Il manquait d’espace de sociabilité, donc ils nous ont permis d’aller dans leur salle commune, qui est vraiment grande, puis on s’est installé vraiment loin. Mais c’était l’hiver, alors au début, il y a certaines personnes qui venaient à nos ateliers un peu juste pour pouvoir s'asseoir à l’intérieur puis manger, mais pas nécessairement parce que ça les intéressait. Puis c’était bien correct, on les laissait venir quand même.

Il y avait un Monsieur, lui il venait mais il disait rien. Il disait rien pentoute, il s’asseyait dans le fond – il fait encore ça d’ailleurs, une seule fois il s’est pas assis dans le fond, mais il est retourné dans le fond après, donc je pense que ça l’a confronté un peu. Il s’asseyait, il mangeait, il nous écoutait, il disait rien, il se levait et il s’en allait. Il a fait ça pendant trois-quatre ateliers, puis vers le cinquième à un moment donné il a dit un mot. Puis là, à un moment donné la conversation tournait en rond, donc Mathieu avait essayé de trouver une stratégie efficace, il a dit : on va faire des votes. « Vous votez de zéro à dix, vous me dites votre chiffre puis on fait des moyennes et ça nous fait décider c’est quoi nos questions. » Les gens s'impatientaient, tout le monde disait « Ça niaise donc bin! », donc ok let’s go on fait ça.

Mon impression c’est que ce jour-là ça a débloqué. Il votait tout le temps cinq. Cinq! Puis là il disait rien… Cinq! La fois d’après on a continué et là il disait deux mots… La fois d’après on faisait de la pâte à modeler, là il a fait sa classe – c’est lui qui aimait les mathématiques. Et là, à un moment donné on a fait une création de personnage quand on parlait de l’identité. Son personnage était tellement élaboré, c’était fou! Lui il a passé de « pas dire un mot à nous regarder en train de manger » à « être un participant actif ». Ça s’est passé à peu près entre février et maintenant. Le changement est DRASTIQUE! 

C’est justement en multipliant les stratégies de participations – quand on se dit « bon comment on fait pour que tout le monde puisse être inclu? » Ils sont pas à l’aise de parler devant le groupe… Il y a plein de raisons pour lesquelles les gens s’impliquent pas.

Oui et vous avez pas poussé, vous l’avez pas forcé à faire quoi que ce soit, c’est tout venu de lui!

 

On l’interpellait – moi je l’interpellais et j’ai l’impression que ça l’agressait. J’allais le voir souvent et je disais « ça va? » J’ai l’impression qu’il aimait pas ça et qu’il était plus à l’aise avec Mathieu. Ce groupe-là, je le redis, c’est super important qu’on soit un duo homme-femme. C’est pas mon énergie seulement, c’est aussi le faite que je sois une femme. Mathieu c’est pas juste son énergie, c’est le fait qu’il est un homme. Il y a un besoin de ça, puis mon collègue José et moi, le premier cycle qu’on a fait, ça a été un constat : on doit être homme-femme. Quand José est parti, j’ai été en duo avec Dorothée puis ça avait changé toute l’énergie. J’étais comme « ok ça marche pas, pourquoi ça ne marche plus? Ça marchait super bien! » C’est une chose que j’avais observée, puis je dis pas qu’on peut pas faire un atelier juste deux femmes ou juste hommes une fois de temps en temps, mais si on est là pour longtemps… Puis quand Mathieu est arrivé et je lui ai expliqué ça, il l’a constaté tout de suite aussi, il comprenait ce que je voulais dire. 

Oui il y a des gens que, juste naturellement, ils vont vraiment plus s’ouvrir facilement avec des hommes, puis d’autres avec des femmes…

[...] 

Puis si tu avais à utiliser trois mots pour décrire ton travail, ce seraient lesquels?

Les trois mots qui me viennent en tête, c’est… J’hésite entre rencontres ou échanges… Je dirais rencontres, expériences (dans le sens de expérientiel, pas dans le sens d’avoir de l’expérience, plus comme vivre une expérience), puis l’autre je dirais bienveillance. J’allais dire affection, mais c’est dans la bienveillance vraiment que ça se passe, cette énergie-là spéciale d’Exeko et de mon travail de médiatrice.

La dernière question c’est plus sur Exeko : qu’est-ce qui t’anime chez Exeko, qu’est-ce qui donne de la valeur à ton travail?

Mon cheminement vers devenir médiatrice, c’est quelque chose qui dure depuis longtemps, ça fait quand même depuis 2012 que j’ai commencé dans le milieu communautaire, puis mon objectif c’était ça : d’être médiatrice culturelle en fait. Quand j’ai commencé à chercher là-dessus et que j’avais des questionnements, je cherchais quelque chose au croisement de l’art et du social, j’avais l’impression que c’était ma place professionnelle et le communautaire ça m'interpellait beaucoup. Puis Exeko j’ai spotté tout de suite, parce que si tu google ça, tu trouves Exeko tout de suite. Donc moi je connaissais Exeko virtuellement dès le début de mes recherches, je me disais « il me semble que c’est ma place ». Je savais pas trop quoi faire pour m’inclure. Je suis devenue bénévole en 2017. C’est sûr que pour moi, la force d’Exeko (puis c’est un peu sa faiblesse en même temps maintenant que je suis à l’intérieur), c’est la capacité à être sur le terrain puis réfléchir à ton terrain en même temps. 

Il y a le mélange que je trouve vraiment génial entre réfléchir à quelque chose puis agir sur cette réflexion-là : agir et réfléchir. Il y a un échange constant là-dessus, parce que justement moi je veux pas juste le faire puis je veux surtout pas juste y réfléchir. Donc c’est ça la plus-value d’Exeko, pour moi c’est cet aspect combiné. Il y a pas beaucoup de milieux qui combinent les deux. Mais aussi, ce sont ces terrains-là, parce que oui je pourrais travailler dans un organisme de première ligne et potentiellement – comme par exemple, il y a des gens à l’Auberge Madeleine qui organisent des activités pour les résidentes, ça existe tout ça; mais le bonheur d’Exeko c’est de justement pas nécessairement être à l’intérieur du milieu. Tu viens et t’agis plus sur un ensemble et tu peux aller dehors avec les personnes, tu vas rejoindre les gens où ils sont, puis moi je le vois pas où ça se peut ailleurs qu’à Exeko. Les terrains sont vraiment variés, il y a des médiateurs qui vont dire « moi je travaille juste avec des jeunes ou moi je travaille juste avec les communautés autochtones. » C’est tellement vaste que tu peux te nicher à l’intérieur même de l'organisme et ça je trouve ça super. Moi je me suis pas nichée, parce que ça fait deux ans environ que je suis là, puis je sais pas si je suis prête à le faire, sauf que je le vois bien que les gens qui me stimulent beaucoup c’est plus les adultes âgés. Je le vois que ça m’amène quelque chose, ça m’allume beaucoup. Il faut dire que comme je travaille ailleurs aussi, je travaille beaucoup avec des enfants, donc peut-être que c’est l’équilibre.

Donc à Exeko il y a cette force de diversité, avec chacun·e ses styles puis aussi on travaille en binôme et ça c’est le fun parce que tu vois le style de l’autre, ton style avec une personne c’est pas le même qu’avec une autre, tu apprends beaucoup de ça. Puis la communauté de pratique c’est tellement précieux, c’est la clé de tout ça. Je voudrais pas que ça se perdre, parce que sinon Exeko serait pas Exeko vraiment.

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C’est vraiment intéressant de voir le même projet (à l’Auberge Madeleine) à travers les yeux d’une autre médiatrice, la diversité des styles, les visions différentes, mais aussi complémentaires. La création, l’improvisation, l’engagement social sont des stratégies et des thèmes qui reviennent dans la philosophie des médiateurs et médiatrices d’Exeko. Le dévouement et la sincérité se font ressentir à travers les mots de Valérie. Je la remercie pour son temps et pour cette conversation précieuse et nourrissante.

 

Entrevue avec Tiphaine, médiatrice : le lit de la rivière

Le jeudi 29 avril, Tiphaine et moi nous sommes rencontrées virtuellement. Médiatrice depuis 2016, elle nous partage dans cette entrevue ce qui se passe sur le terrain, les projets sur lesquelles elle travaille, des moments forts vécus, sa posture, etc. Ce témoignage fait partie d'une série d'entrevues réalisées afin de vous raconter le terrain. En vous souhaitant de belles rencontres avec notre équipe!

 

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 Maude Blanchet LégerSur quel projet travailles-tu en ce moment?

Je travaille à l’Auberge Madeleine avec mes collègues, Valérie et Isabelle. Ça fait depuis 2017 moi que je suis à l’Auberge Madeleine comme médiatrice, puis ce projet-là dure trois ans. On a commencé l'été dernier, donc à l’été 2020. C’est un projet d’idAction et l’idée c’est de favoriser l’esprit critique, la participation citoyenne et il y a l’idée aussi de créer des espaces de réflexion et de création. Ce projet-là, au travers la pandémie, ça a été plein d’adaptations… En fait ça n'a été que des adaptations. On y travaille avec des femmes qui sont dans des situations d’itinérance, de précarité ou de violence conjugale aussi.

Ok, donc est-ce que ça se passe toujours dans le même lieu?

Dans leur milieu de vie, oui, dans l’Auberge. On y va environ pour 12 ateliers par an, des minis cycles. Par exemple, on a fait un cycle autour de la Journée internationale des droits des femmes. On a fait des affiches avec les femmes puis on a mis les affiches dans le quartier.

Super, c’était ça votre dernier atelier?

Non en fait après ça on a changé de format, on avait un peu un enjeu de mobilisation. C’est des femmes qui sont là seulement pour six à huit semaines. C’est vraiment le moment pour elles où elles soupent et où elles ont une stabilité pour faire leur démarche. Aussi avec la crise du logement actuelle, il y a vraiment une urgence de se trouver quelque chose. Avant on faisait des ateliers pendant la journée, puis on s’est rendu compte que la journée c’est aussi un moment pour elles de faire toute leur démarche. Avec le couvre-feu, puis en discutant avec des résidentes aussi qui participaient aux activités, on s’est dit « on va essayer de le faire le soir », parce que de toute façon y’a rien à faire, c’est le couvre-feu. Puis ça permet de mettre une ambiance un peu plus relaxe, donc on a switché à un format ciné-discussion. On montre des extraits de vidéos, on en discute ensemble puis on fait des ateliers de création ensuite.

Quelles préparations ça implique pour cet atelier? Parce que souvent ce qu’on voit du travail des médiateurs·trices c’est par exemple des photos sur le terrain et tout, mais je pense que les gens savent pas toujours qu’est-ce que ça implique avant, toute la préparation des projets, même après, en dehors du terrain en fait.

Déjà, on travaille en continu avec une intervenante sur place qui est là à tous les ateliers. On fait un suivi avec elle, après chaque atelier on fait une petite rencontre avec l’intervenante et ça c’est vraiment précieux et je salue aussi son travail, parce que pour vrai, ça change beaucoup de choses. Donc on fait un petit suivi avec elle et avec ma collègue médiatrice sur par exemple : est-ce qu’il y a eu des choses qu’on aurait pu faire autrement, est-ce qu’il y a eu des défis, c’est quoi les défis, est-ce qu’on a appris des choses qui vont nous permettre de bonifier la prochaine fois?

Après, pour tout le travail de préparation, pour ce qui est des discussions... Par exemple la première c’était sur des vidéos sur l’art et le changement social au sens large. Est-ce que l'art peut permettre un changement individuel et social? C’est un peu théorique, mais en gros on avait des vidéos autant de groupes de gens du quartier admettons, qui luttaient contre la gentrification, ou des personnes dans des logements sociaux et qui faisaient des chansons, autant qu’une vidéo de danse avec des personnes diversifiées, avec une personne disons qui avait une seule jambe, pour aussi modifier les perceptions en ce sens. Et tu vois, à cet atelier là par exemple, il y avait des participantes qui étaient là et on avait donné plein d’exemples de vidéos de slam et de poésie, donc là on s’est dit « faisons ça pour la prochaine fois! »

Ça nous a demandé quand même pas mal de travail de recherche, de trouver une diversité, d’aller chercher des choses sur des thématiques différentes, qui vont rejoindre différentes personnes, des rythmes différents, tout ça. Réfléchir aussi à c’est quoi notre question principale, comment on entre dans l’atelier, comment on fait pour mettre une ambiance qui soit propice à l’échange, à l’écoute, à la bienveillance.

Donc il y a cette réflexion, mais comment après le visionnement (après les réactions aux vidéos et les échanges) comment on amène ça vers la création? Et donc ce qu’on avait fait à ce moment-là – au dernier atelier parce que c’est frais dans ma tête – on avait sélectionné des phrases un peu punch des slams d’artistes et on les avait mises en gros, puis on avait proposé aux participantes d’aller chercher plusieurs phrases qui leur parlaient et d’écrire à partir de ça. Il y en a certaines qui ont écrit un texte, un poème, d’autres qui ont juste agencé des phrases ou des mots pour en faire une nouvelle œuvre. L’idée c’était aussi de sortir un peu… Parce que ce sont des vidéos quand même qui amenaient des enjeux – certaines, par toutes – comme les conditions des femmes, des formes de violences, des enjeux de pouvoir, donc aussi comment on sort d’un atelier…

En douceur?

Voilà, en douceur.

Tu en as un peu parlé, en donnant des exemples, mais en quoi ça consiste sur le terrain, comment ça se matérialise? Est-ce que tu veux ajouter quelque chose là-dessus?

Concrètement, en fait avant la pandémie, on arrivait et on pouvait dîner ou souper avec les résidentes de l’Auberge et puis discuter avec elles : pour qu’elles voient qui on est, avoir un premier échange, se familiariser. Là depuis la pandémie on ne peut plus faire ça, donc on arrive quand même un peu d’avance pour parler avec celles qui sont là, leur dire qu’il va y avoir des choses à grignoter, parce que c’est important (des petites pâtisseries, des desserts – parce que c’est souvent après le temps de repas – du café, du thé). On s’assure qu'il y a des choses attractives. Donc c’est ça, on discute avec elles, on prépare, on installe le matériel, on voit comment ça va, l’ambiance à l’Auberge en ce moment, on échange avec l’intervenante. On se met en place tranquillement, d’abord avec une activité qui permet, comme je disais tantôt, de s’accueillir.

De briser la glace…

À se présenter, tout ça. Après il y a le déroulement, puis après on rentre fatigué·e et aussi rempli·e de toute cette énergie des personnes.

Puis les thèmes abordés, tu en as parlé un peu tout à l’heure, comme l’art et l’engagement social… Est-ce qu’il y en a d’autres en particulier?

Au tout début du projet en fait, [...] c’était plus des ateliers de réflexion sur le leadership, les préjugés… Puis avec le temps des fêtes qui arrivaient, il y avait des ateliers comme « qu’est-ce qu’on jette en 2020, qu’est-ce qu’on souhaite en 2021? » Des petites activités qui permettaient de créer des liens et qui allaient chercher un côté artistique. Par exemple, elles avaient proposé (Valérie et Isabelle) de faire des cartes, en techniques de peinture, à distribuer pour les personnes en situation d’itinérance. À la base, ça avait été très… Un highlight. Et le fait de créer aussi, on se rendait compte qu’avec la pandémie et avec déjà les situations de précarité – plus la pandémie qui a exacerbé ça – il y a beaucoup de personnes qui sont fatiguées émotionnellement et physiquement. Donc il y a des fois plus de tensions dans ces milieux là et donc tu vois, de passer par la création, c’était une manière d’aller plus vers des choses qui te recentrent un peu sur toi et un côté un peu plus apaisant peut-être. On a trouvé que c’était un filon intéressant, donc on a un peu continué avec ça, puis entre autres sur ces activités pour la Journée internationale des droits des femmes, comme les affiches. Enfin, des fois il y en a certaines qui venaient pas forcément peindre, mais qui disaient « moi je veux une affiche avec ça, ça, ça et ça. » tu vois?  Une c’était : je veux des yeux qui pleurent puis « je n’ai plus peur ».

Wow ok!

Donc c’était des thèmes de réflexion, puis on est allé plus vers la création/réflexion et engagement, tranquillement avec le 8 mars. Après c’est des thèmes plus sur l’art et l’engagement, avec la poésie : est-ce qu’on peut changer le monde avec des mots? C’est quoi la place de l’art dans nos vies? 

Je pense que la création souvent ça offre une liberté, mais ça te sort un peu de ta réalité tout en restant connecté avec cette réalité là. C’est comme un bon fil conducteur, je trouve…

Tout à fait et on essaye maintenant de trouver un équilibre. Ça montre un peu tout le travail de réflexion et de médiation autour… Justement, des fois on teste des choses, ça marche pas du tout, des fois ça marche bien, mais tu vois par exemple le fait de regarder, d’aller vers un format plus ciné – enfin y’a un moment où on visionne des choses – c’était une manière aussi de répondre à cette fatigue : qu’elles se disent pas que pendant deux heures elles vont devoir être sollicitées tout le temps. Il y a aussi un moment où t’es plus en mode réception que donner de toi, d’être en action/réflexion (même si en recevant ce que tu regardes, ce que tu écoutes, y’a plein de choses qui se passent). C’est ça, donc essayer de répondre aussi à cette question de fatigue, de trouver une manière de répondre au mieux à leurs besoins. Valérie a même fait avec Isabelle, comme activité brise-glace à quelques reprises, des exercices de respiration, pour se grounder. Comment on prépare le corps à être en collectif et à réfléchir?

Ouais et c’est sûr que y’a des activités, des propositions, qui fonctionnent moins avec certaines personnes et pour d’autres ça va vraiment cliquer.

Oui ça c’est toujours.

Et le profil des participant·es, c’est surtout des femmes, des plus petits groupes, j’imagine?

C’est seulement des femmes, dans toutes leurs diversités, d’âge, de genres, d’origines, tout ça. Mais oui c’est des petits groupes.

Une douzaine?

Plus six. À l’auberge il y a vingt-et-une chambres je crois – 21 ou 24 – donc déjà c’est pas beaucoup de personnes en tout. On a pas la moitié de l’Auberge Madeleine.

C’est celles qui le souhaitent en fait?

Ah oui, c’est absolument libre, puis elles peuvent entrer et sortir comme elles veulent.

Ok, ensuite est-ce qu’il y aurait peut-être une anecdote, quelque chose qui s’est passé sur le terrain qui illustre bien les impacts de ce projet-là? Souvent on peut pas vraiment quantifier les impacts d’un projet...

C’est difficile de dire qu’est-ce qui appartient aux ateliers d’Exeko et qu’est-ce qui appartient aussi au processus de la personne et qu’est-ce qui appartient à un mélange des deux. Je pense qu’il faut noter aussi qu’un des défis de ce projet-là, c’est que c’est rare – ça arrive, mais pas tout le temps – de retrouver deux fois la même personne, parce qu’il y a une rotation des femmes qui sont en période transitoire, [...] mais par exemple je pense au dernier atelier – puis c’était vraiment un hasard en fait – ça a été pour une personne un atelier vraiment révélateur. Ça l’a ramené à une pratique qu’elle avait déjà faite dans une période plus difficile de sa vie, mais qu’elle avait complètement mis de côté et là, elle a écrit tout un long texte de slam excellent puis on dirait que ça a ouvert un peu —enfin elle nous a nommé que pour elle ça lui avait ouvert la porte à se remettre à un peu le réimplanter dans sa vie d’une certaine manière.

À un moment donné, y’a eu des conversations plus sur – parce que souvent les expériences vécues se mélangent avec les réflexions parce que c’est à partir de là qu’on parle – et donc des conversations un peu plus sur des enjeux de violence conjugale vécues par certaines des femmes. Une des participantes a vraiment amené le côté… a vraiment pris une posture qu’elle avait – je pense pas que ce soit nous qui lui ait donné, mais du moins dans cet espace elle l’a pris— vraiment de leader positif, qui a ramené tout ça à la solidarité, la force d’être là toutes ensemble, d’être dans un espace où elle est aussi en mesure de se construire. Voilà, donc ça c’était quand même un très beau moment.

C’est vraiment beau en effet! [...] Dans la même optique peut-être que l'anecdote du terrain, est-ce que t’aurais noté à un certain moment dans cet atelier-là une citation? S’il y en a une qui t’a marquée?

Y’a souvent des moments marquants… « On a eu beaucoup de couleurs dans le cœur ce soir. »

C’est beau! Parfait!

[rires]

La prochaine question c’était : un moment fort que toi tu as vécu?

C’est sûr que y’a eu des moments intenses en émotions qui questionnent – je pense que c’est important qu’on en parle aussi – les défis de ce qu’on fait, parce que ça peut ramener certaines personnes à des expériences plus difficiles dans ce genre d’espace et, donc tu vois la femme dont je te parlais qui avait demandé une affiche avec des yeux qui pleurent puis « je n’ai plus peur », une fois qu’elle l’a vue réalisée, elle s’est mise à pleurer. Ça lui a donné beaucoup d’émotions puis c’était des mixed feelings. Elle savait pas si elle voulait – parce que l’idée c’est d’en faire des photocopies pour le quartier, mais qu’elle peut garder aussi – elle savait pas si elle voulait l’avoir ou non. Finalement l’intervenante nous a dit qu’elle est revenue la chercher, même si elle était partie de l’Auberge Madeleine. Donc ça lui avait quand même fait quelque chose.

Mais c’est sûr qu’avec les affiches c’était quand même fort, parce que même les femmes qui admettons n’avaient pas participé à la création des affiches – on en avait fait aussi des versions un peu petite, carte postale, qu’elles pouvaient garder et tout – et la première femme qui a commencé à regarder les affiches elle s’est aussi mise à pleurer. C’est des moments forts, mais des moments forts en émotions qui montrent bien aussi qu’est-ce qui se passe en ce moment, les difficultés pour elles, socialement, les défis...

Mais sinon un autre moment fort c’était vraiment quand, à la fin du dernier atelier, une des participantes a lu son texte de slam devant tout le monde et c’était vraiment… wow.

Ça prend beaucoup de courage faire ça! [...] On arrive plus vers la fin… Pour toi, qu’est-ce qui donne de la valeur à ton travail de médiatrice?

Oh là là, c’est une grosse question.

Oui c’est une grosse question!

[rires]

C’est l’opportunité de rencontrer une diversité de personnes que peut-être je rencontrerais pas autrement, puis l’opportunité d’apprendre en fait moi-même de ces personnes là, puis de me déconstruire aussi continuellement. De faire partie en fait de la communauté de réflexion et de création qu’on essaye de mettre en place, des fois oui des fois non, des fois ça marche des fois ça marche pas, mais c’est ça. Puis aussi travailler avec des collègues – j’inclus mes collègues là-dedans.

Et puis comment définirais-tu ton travail avec une métaphore?

Ça me fait penser, dans la philosophie taoïste, le wuwei : l’agir sans agir. C’est la notion de non-agir, mais pour autant ce n’est pas une attitude d’inaction ou de passivité. C’est plus l’idée de la rivière… T’es comme un peu le lit de la rivière. Je ne sais pas trop comment l'expliquer…

Je le vois dans ma tête ce que tu veux dire!

Les choses vont, tu peux pas vraiment les changer ou quoique ce soit, mais t’es là pour accompagner ce qui se fait, sans essayer de… de mettre des barrages, créer des infrastructures, mais c’est ça, agir sans agir. Moi je le vois un peu comme ça.

Tu supportes le « flow » un peu!

Oui!

La dernière question : qu’est-ce qui t’anime chez Exeko? En général?

Ça revient aux personnes incroyables que je rencontre à la fois en étant sur le terrain, à la fois les partenaires, à la fois mes collègues. Ce qui m’anime aussi c’est cette possibilité d’essayer des choses, la flexibilité de ce qu’on peut faire, la possibilité de s’adapter – une grande possibilité d’adaptation, au contexte, aux besoins, à tout ce qui se passe et ça c’est vraiment super important.

Puis selon chaque médiatrice·teur aussi, vous apportez chacun·e votre approche, vos visions, vos idées. Je le vois beaucoup dans les sorties que j’ai faites, d’une personne à l’autre c’est complètement différent, mais c’est ça qui est beau aussi.

C’est ça en fait, moi ce qui m’anime c’est d’être en processus continue d’apprentissage aussi. Si j’avais plus rien à apprendre et bien, ça m’intéresserait pas.

 

--

Tiphaine nous a partagé avec sincérité ces moments riches, inspirants et parfois difficiles, mais aussi tout le processus de réflexion qui vient avant et après chaque atelier. Je la remercie pour son temps et son travail de médiatrice. J’espère que ce partage pourra en inspirer d’autres et aussi mettre en lumière et informer sur le travail de terrain central à Exeko. Restez à l'affût afin de lire les prochains témoignages!

La réalisation du projet idAction Mobile est possible en partie grâce aux soutiens financiers de la Ville de Montréal, de l’arrondissement de Ville-Marie via le Fonds local 2e vague COVID-19, du Gouvernement du Québec par l’entremise du Fonds d’initiative et de rayonnement de la métropole administré par le Secrétariat à la région métropolitaine du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation et du Secrétariat aux affaires autochtones, de la Caisse d'Économie Solidaire Desjardins, de la Fondation du Grand Montréal via le Fond d'urgence pour l’appui communautaire (FUAC) et de Catherine Donnelly Foundation.

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Sous la responsabilité de la coordination générale, sous la supervision du responsable des partenariats et en étroite collaboration avec l’équipe...

 

 

En ce mois national de l'histoire autochtone, Exeko souhaite contribuer à faire connaître l’histoire des...

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  • « Je ne suis que la courroie de transmission, je ne fais que retranscrire ce que les gens m'ont donné dans la rue. »

    Stéphane Dionne, artiste co-créateur pour métissage urbain

  • « Faire confiance et donner aux jeunes autochtones marginalisés le pouvoir de se faire comprendre et entendre…  »

    Nadia Duguay, directrice du projet

  • « On y apprend, entre autres que même si nous ne sommes qu'une infinitésimale partie de la planète, nous ne sommes pas insignifiants, on peut faire quelque chose, on peut comprendre quel peut y être notre rôle. »

    Participant en milieu carcéral

  • « Les discussions sur les sujets amenés durant les ateliers sont positives et intéressantes, l’animateur réussit à ouvrir des débats, à allumer les esprits sur des sujets importants. »

    Johanne Cooper, directrice générale, La Maison Tangente

  • « Les ateliers idAction m'ont permis de me voir autrement de celle que j'aurais du être. Et je vais le devenir.  »

    Sophie Poucachiche, participante

  • « Tel un arbre, à chaque fois que quelqu'un apprend et transmet quelque chose, y en a un autre en arrière qui va grandir »

    Jimmy, participant

  • « On a besoin de tout le monde; si on a juste des ingénieurs et des architectes, on va manger quoi? Des plans et des schémas?" »

    Tony, participant idAction

  • « Y'en a qui ont la soif du pouvoir, ben moi c'est la soif du savoir »

    Jo, participant idAction

  • « C'est un excellent programme qui permet aux enfants de connaître leurs traditions et d'accroître leurs interactions avec les aînés dans la communauté. »

    Erika Eagle, Assistante en développement social, Grandir Ensemble Waswanipi

  • « Notre objectif : Tisser des liens solides avec les communautés, travailler main dans la main, apporter notre pierre à l'édifice, et transmettre le plus que nous pouvons, en espérant que, dans l'avenir, notre programme n'ait plus sa raison d'être. »

    François-Xavier Michaux, directeur du programme

  • « On a appris à affronter nos peurs. »

    Cynthia, participante Trickster

  • « La formule ; des ateliers quasi « intensifs », pour arriver à un résultat concret en seulement 2 semaines. Une réussite dont les élèves se rappelleront toute leur vie! »

    Marie-Ève Gagnon, professeure d’Art, à propos de Trickster

  • « Collaborer avec l’équipe de Exeko a clairement amélioré la portée de nos projets. Par leur vision de la mixité et de la médiation culturelle, Exeko s’est démarqué dans leur façon de faire valoir l’intégration des personnes vivant avec une déficience intellectuelle. »

    Nadia Bastien, directrice générale AMDI

  • « Ça fait longtemps que j’ai pas été dans un évènement qui m’ai apporté autant de bonheur. »

    Un visiteur, D'un oeil différent 2013

  • « Quelle belle exposition ! Ça nous a fait rêver un peu ! J’ai appris que y’a beaucoup de personnes qui peuvent faire des œuvres magnifiques, différentes, ça nous a fait rêver »

    Un visiteur, D'un oeil différent 2013

  • « Comment te sens tu quand tu vois ta toile accrochée à un mur? Bien en dedans, c'est le fun »

    Dan, exposant à D'un oeil différent 2013

  • « Pourquoi t'aime ça peindre? J'aime ça Parce que personne peut m'enlever ça dans la tête. »

    Diane, exposante à D'un oeil différent 2013

  • « Son but? Développer le raisonnement, la pensée critique, la logique, et augmenter la participation citoyenne de ces groupes marginalisés. »

    Caroline Monpetit, Le Devoir

  • « Les gens ne pensent pas à me donner des livres alors que j'aime tellement lire! »

    Elie, participante

  • « Je m'aperçois qu'il y a beaucoup de personnes qui travaillent à faire changer les choses et les attitudes, cela me donne un peu plus confiance dans l'avenir. »

    Participant en milieu carcéral

  • « Cet espace de savoir, nourrissant l’esprit et la créativité, ainsi que l’ouverture qu’offre idAction sont tout à votre honneur. »

    Louise Chabot, Présidente CSQ

  • « J'ai appris que 80% des richesses de la planète sont détenues et gaspillées par 20% de celles-ci, [...] qu'un rire est universel et qu'il met un baume sur les souffrances de quiconque, [...] qu'il y a des gens qui souffrent et que je peux à ma manière les aider. »

    Participant en milieu carcéral

  • « La caravane d’Exeko, qui distribue des livres, des cahiers et des crayons aux itinérants de Montréal, et plus particulièrement aux itinérants autochtones, sillonne les rues de Montréal, pour faire jaillir la participation culturelle de ces exclus de la société. Avec des résultats franchement étonnants. »

    Caroline Monpetit, Journaliste, Le Devoir

  • « Vous donnez le goût aux gens d'avoir des idées... »

    Participant, idAction Mobile

  • «  Pourquoi ne restez-vous pas ici pour toujours ? »

    Nathaniel, participant, Trickster

  • « Depuis que vous êtes là, les jeunes rient, et il y en a même qu’on n'avais jamais vu sourire qui sourient maintenant. »

    Directrice d'une école partenaire

  • « Es-tu un artiste? -Oui - Pourquoi? - Parce que j'aime »

    Gilles Grégoire, artiste, en réponse à notre médiatrice

  • « On a notre style, notre marque de commerce. On fait les choses différemment des autres. »

    Guillaume Lapierre, artiste exposant à D'un oeil différent 2013

  • « J’ai dessiné en t’écoutant, comme écouté de la musique. J’ai adoré. Je suis passée par beaucoup de stades, comme ton histoire. »

    Soufia Bensaïd à Edon Descollines, duo d'artistes Tandem Créatif 2013

  • « Exeko met en place des solutions créatives à différentes problématiques, donne une voix aux sans voix et de l'espoir aux plus démunis. »

    Bulletin des YMCA

  • « C'est terrible pour une société d'ignorer des gens avec un talent pareil! »

    Hélène-Elise Blais, les Muses

  • « C'est terrible pour une société d'ignorer des gens avec un talent pareil ! »

    Hélène-Elise Blais, les Muses

  • « L'art a l'avantage de permettre [de] parler [de déficience intellectuelle] en termes de capacité plutôt que de limitation. »

    Delphine Ragon, Directrice des programmes communautaires aux Compagnons de Montréal

  • « On voit [...]depuis quelques années plus de productions de grande qualité avec des personnes ayant une déficience intellectuelle qui sont des artistes à part entière. »

    Julie Laloire, Agente de sensibilisation à l'AMDI

  • « C'était un moment inoubliable : je suis tellement reconnaissant... »

    Larry, participant

  • « Merci de parler avec moi! Aujourd'hui je me sentais complètement seule, personne ne me parlait. »

    Eva, participante

  • « Nous sommes vraiment heureux de conjuguer nos actions à celles d'Exeko; nous avons ainsi l'assurance que la jeunesse autochtone en bénéficiera de façon significative.»
    Marie-Josée Coutu, Présidente de la Fondation Marcelle et Jean Coutu
  • « J'ai toujours été imprégnée du désir de justice sociale et je croyais ne pas avoir de préjugés...mais je dois dire que mon expérience chez Exeko a transformé ma vision des personnes en marge.»
    Muriel Kearney, bénévole depuis septembre 2015
  • « Je ne suis que la courroie de transmission, je ne fais que retranscrire ce que les gens m'ont donné dans la rue.»
    Stéphane Dionne, artiste co-créateur pour métissage urbain
  • « I don't know everything, but while reading it, it always bring me one step closer»
    A participant, idAction Mobile
  • « Pourquoi t'aime ça peindre? J'aime ça Parce que personne peut m'enlever ça dans la tête.»
    Diane, exposante à D'un oeil différent 2013
  • « Comment te sens tu quand tu vois ta toile accrochée à un mur? Bien en dedans, c'est le fun»
    Dan, exposant à D'un oeil différent 2013
  • « Quelle belle exposition ! Ça nous a fait rêver un peu ! J’ai appris que y’a beaucoup de personnes qui peuvent faire des œuvres magnifiques, différentes, ça nous a fait rêver»
    Un visiteur, D'un oeil différent 2013
  • « Ça fait longtemps que j’ai pas été dans un évènement qui m’ai apporté autant de bonheur.»
    Un visiteur, D'un oeil différent 2013
  • « Collaborer avec l’équipe de Exeko a clairement amélioré la portée de nos projets. Par leur vision de la mixité et de la médiation culturelle, Exeko s’est démarqué dans leur façon de faire valoir l’intégration des personnes vivant avec une déficience intellectuelle.»
    Nadia Bastien, directrice générale AMDI
  • « La formule ; des ateliers quasi « intensifs », pour arriver à un résultat concret en seulement 2 semaines. Une réussite dont les élèves se rappelleront toute leur vie!»
    Marie-Ève Gagnon, professeure d’Art, à propos de Trickster
  • « On a appris à affronter nos peurs.»
    Cynthia, participante Trickster
  • « Notre objectif : Tisser des liens solides avec les communautés, travailler main dans la main, apporter notre pierre à l'édifice, et transmettre le plus que nous pouvons, en espérant que, dans l'avenir, notre programme n'ait plus sa raison d'être.»
    François-Xavier Michaux, directeur du programme
  • « C'est un excellent programme qui permet aux enfants de connaître leurs traditions et d'accroître leurs interactions avec les aînés dans la communauté.»
    Erika Eagle, Assistante en développement social, Grandir Ensemble Waswanipi
  • « Y'en a qui ont la soif du pouvoir, ben moi c'est la soif du savoir»
    Jo, participant idAction
  • « On a besoin de tout le monde; si on a juste des ingénieurs et des architectes, on va manger quoi? Des plans et des schémas?"»
    Tony, participant idAction
  • « Tel un arbre, à chaque fois que quelqu'un apprend et transmet quelque chose, y en a un autre en arrière qui va grandir»
    Jimmy, participant
  • « Les ateliers idAction m'ont permis de me voir autrement de celle que j'aurais du être. Et je vais le devenir. »
    Sophie Poucachiche, participante
  • « Les discussions sur les sujets amenés durant les ateliers sont positives et intéressantes, l’animateur réussit à ouvrir des débats, à allumer les esprits sur des sujets importants.»
    Johanne Cooper, directrice générale, La Maison Tangente
  • « On y apprend, entre autres que même si nous ne sommes qu'une infinitésimale partie de la planète, nous ne sommes pas insignifiants, on peut faire quelque chose, on peut comprendre quel peut y être notre rôle.»
    Participant en milieu carcéral
  • « Faire confiance et donner aux jeunes autochtones marginalisés le pouvoir de se faire comprendre et entendre… »
    Nadia Duguay, directrice du projet
  • « Son but? Développer le raisonnement, la pensée critique, la logique, et augmenter la participation citoyenne de ces groupes marginalisés.»
    Caroline Monpetit, Le Devoir
  • « Les gens ne pensent pas à me donner des livres alors que j'aime tellement lire!»
    Elie, participante
  • « Merci de parler avec moi! Aujourd'hui je me sentais complètement seule, personne ne me parlait.»
    Eva, participante
  • « C'était un moment inoubliable : je suis tellement reconnaissant...»
    Larry, participant
  • « On voit [...]depuis quelques années plus de productions de grande qualité avec des personnes ayant une déficience intellectuelle qui sont des artistes à part entière.»
    Julie Laloire, Agente de sensibilisation à l'AMDI
  • « L'art a l'avantage de permettre [de] parler [de déficience intellectuelle] en termes de capacité plutôt que de limitation.»
    Delphine Ragon, Directrice des programmes communautaires aux Compagnons de Montréal
  • « C'est terrible pour une société d'ignorer des gens avec un talent pareil !»
    Hélène-Elise Blais, les Muses
  • « C'est terrible pour une société d'ignorer des gens avec un talent pareil!»
    Hélène-Elise Blais, les Muses
  • « Exeko met en place des solutions créatives à différentes problématiques, donne une voix aux sans voix et de l'espoir aux plus démunis.»
    Bulletin des YMCA
  • « J’ai dessiné en t’écoutant, comme écouté de la musique. J’ai adoré. Je suis passée par beaucoup de stades, comme ton histoire.»
    Soufia Bensaïd à Edon Descollines, duo d'artistes Tandem Créatif 2013
  • « On a notre style, notre marque de commerce. On fait les choses différemment des autres.»
    Guillaume Lapierre, artiste exposant à D'un oeil différent 2013
  • « Es-tu un artiste? -Oui - Pourquoi? - Parce que j'aime»
    Gilles Grégoire, artiste, en réponse à notre médiatrice
  • « Depuis que vous êtes là, les jeunes rient, et il y en a même qu’on n'avais jamais vu sourire qui sourient maintenant.»
    Directrice d'une école partenaire
  • « Pourquoi ne restez-vous pas ici pour toujours ?»
    Nathaniel, participant, Trickster
  • « Vous donnez le goût aux gens d'avoir des idées...»
    Participant, idAction Mobile
  • « La caravane d’Exeko, qui distribue des livres, des cahiers et des crayons aux itinérants de Montréal, et plus particulièrement aux itinérants autochtones, sillonne les rues de Montréal, pour faire jaillir la participation culturelle de ces exclus de la société. Avec des résultats franchement étonnants.»
    Caroline Monpetit, Journaliste, Le Devoir
  • « J'ai appris que 80% des richesses de la planète sont détenues et gaspillées par 20% de celles-ci, [...] qu'un rire est universel et qu'il met un baume sur les souffrances de quiconque, [...] qu'il y a des gens qui souffrent et que je peux à ma manière les aider.»
    Participant en milieu carcéral
  • « Cet espace de savoir, nourrissant l’esprit et la créativité, ainsi que l’ouverture qu’offre idAction sont tout à votre honneur.»
    Louise Chabot, Présidente CSQ
  • « Je m'aperçois qu'il y a beaucoup de personnes qui travaillent à faire changer les choses et les attitudes, cela me donne un peu plus confiance dans l'avenir.»
    Participant en milieu carcéral