J’ai eu l’occasion de faire plusieurs sorties avec l’IdAction mobile en hiver comme en été.
Comment résumer la médiation culturelle et intellectuelle qui y est proposée aux personnes en situation d' itinérance? Je partage ici quelques « flashs » que j’ai retenus de toutes ces sorties avec les médiateurs cités, ce qui demande finalement peu d’explications supplémentaires…
J’ai ce premier souvenir d’un arrêt à Atwater au Square Cabot avec Claude sous une colossale pluie interminable. On discute avec plusieurs Inuits, de la pluie, sujet un peu… « plate » et de musique… Profitons-en ! Nous voici tous ensemble dehors en train de chanter « Purple rain » en danse de la pluie !
Ce moment également où on parle avec « G » d’un beau projet de Youssef « Si j’étais Maire de Montréal, je… ». Tout est possible, chacun peut proposer ce qu’il veut, absurde ou non, avec ou sans argent. « G » propose qu’il y ait moins de voitures… Pourquoi ? Pour qu’il puisse y avoir plus d’enfants dans les rues, dit-il… D’après lui, il y en avait beaucoup plus avant qui se promenaient, c’était plus beau…
"si j'étais maire de Montréal" (C) Exeko
Je repense aussi à cette expérience que j’ai déjà racontée plusieurs fois de « G », encore, et de son appareil photo jetable. Lorsqu’on en donne un à une personne en situation d' itinérance, il y a souvent un très bon retour lorsqu’on leur rend les photos développées, une belle fierté des prises artistiques ou un contentement du souvenir. Mais ici, à plusieurs reprises, « G » nous dit qu’il n’a pas encore pris de photos, qu’il n’ose pas, qu’il l’a oublié, qu’il a peut-être pris l’eau alors qu’il semblait très motivé par l’idée. Avec Youssef, on réfléchit ensemble dans la voiture et il prend la décision de lui en donner un deuxième. Il pense que « G » l’a perdu ou qu’il est cassé et qu’il n’ose pas nous le dire, gêné. Rapidement, Youssef lui donne et on repart. Par la fenêtre, je vois « G » avec un grand sourire, des étoiles dans les yeux, mettant l’appareil dans son sac, le ressortant et le posant sur son cœur en regardant au ciel. Il a compris qu’on a compris. Bien vu Youssef !
don de photos (C) Exeko
Je me rappelle de ces craies données à un groupe d’Inuits pour écrire sur le sol… Ils dessinent rapidement des inuksuit (pluriel apparemment de inukshuk !) sauf que l’un ajoute des « pierres » et des chiffres. Cela devient un jeu de marelle ! Une capsule de bière remplace le caillou jeté qui bloque la case. S’en suivent des dessins de visages et d’émotions, on ne peut plus s’arrêter ! Juste quelques craies… Marie-Pierre propose de sortir les papiers dessin que l’on propose à plusieurs participants autochtones… Ils n’ont pas l’air motivés au départ. On discute et Jonathan, nouveau bénévole, commence à dessiner de son côté une plume. Un des hommes le regarde et vient vers lui pour le corriger et pour finalement dessiner avec lui… La conversation artistique est lancée pour un bout !
Un autre soir avec Youssef, avec une étudiante en techniques policières comme collègue bénévole. A un moment, nous nous arrêtons dans une rue très animée en double file, où nous rencontrons un jeune en situation d'itinérance. En se présentant et en serrant la main de l’étudiante, il « sent » qu’elle a une tension, qu’elle a mal au poignet. Elle confirme. Avec son accord, il commence à lui faire un massage, il se dit spécialiste. Il propose alors d’autres postures où ils se tirent par les bras. Youssef et moi-même testons les positions sous le regard ébahis et les appareils photos de Japonais (ou Chinois ?) qu’on invite à nous rejoindre (sans succès malheureusement).
leçons de massothérapie (C) Gaetan Nerincx @ Exeko
L’étudiante finit sur le dos du jeune, en toute confiance apparemment. Elle confirme à la fin qu’elle a en effet beaucoup moins mal…
Stéphanie, étudiante en techniques policières (C) Gaetan Nerincx @ Exeko
Ma dernière sortie fut celle avec Max. Que de surprises encore ! Le dictionnaire urbain où des participants nous proposent des définitions très poétiques du « mobilier urbain » : chien = liberté, arbre = poumon...
Enrichissement du dictionnaire urbain (C) Exeko
… L’Idphoto propose aux personnes de traduire, d’exprimer des mots tirés au hasard avec une composition personnelle d’objets prise en photo. Chacun peut essayer de deviner, de comprendre. Des échanges de fleur pour la paix, une loupe pour le travailleur épié, …
en plein atelier idPhoto avec Joel! (C) Exeko
Pour finir, je ne peux éviter cette sortie mémorable avec Dorothée, notre maman-bénévoles, où nous nous sommes tous retrouvés, y compris des passants, à marcher au ralenti et à faire un combat avec des lasers invisibles à éviter.
improvisition de rue (C) Exeko
L’amusement a laissé sa place à des émotions plus dures en fin de soirée. Un Autochtone, en train de nous montrer comment faire un capteur de rêve avec une branche et un bout de corde trouvés, nous raconte d’où il vient. Il s’arrête cependant à un moment lorsqu’il arrive au sujet de ses enfants restés dans sa communauté qu’il n’a plus vus depuis longtemps… Silence, des larmes apparaissent… Dorothée lui propose, à ce « grand gaillard assez costaud», avec son accord, de le serrer dans ses bras. Il finit par téléphoner d’une cabine à sa femme, hospitalisée… Le capteur de rêve n’a pas été fini mais il est encore dans la camionnette…
Don' construit un capteur de rêve à bord (C) Exeko
Merci à tous les médiateurs et bénévoles que j’ai rencontrés et qui m’ont fait confiance ! Même si nous nous rassemblons et ressemblons par notre motivation et notre objectif final commun d’Exeko, chacun a ses particularités, ses envies, ses idées, ce qui enrichit chaque soirée ! En revenant de la première sortie, je me suis rendu compte à quel point ce que je qualifiais d’une toute autre réalité était finalement si accessible via ces idées...
idAction Mobile est un projet soutenu par les Locations Jean Légaré et le FRIJ