Cela fait déjà deux moments privilégiés que l’équipe d’Exeko partage avec les gens d’ALPA (Accueil liaison pour arrivants). C’est à travers des ateliers d’IdAction que se déroulent ces partages.
Cela fait plus d’un mois que j’ai intégré l’équipe d’Exeko à titre d’agente de recherche et déjà, je m’y sens un peu comme chez moi. L’équipe de recherche, de bureau ainsi que de médiateur.rice.s, par leur ouverture, leur curiosité et leur générosité sur leurs expériences me donnent l’occasion d’approfondir la thématique choisie pour terminer ma maîtrise en sociologie, à savoir, la médiation interculturelle.
Chez Exeko, l’alliance entre la théorie et la pratique est loin d’être nouvelle : le Laboratoire Culture Inclusive, en marche depuis plus de deux ans, en est un bon exemple. Recherches-création, observations participantes et recherches partenariales, qui sont des types de recherches innovantes, moins typiques, et visant le changement social, sont les bienvenues dans l’organisme.
L’objectif de ma recherche est d’abord d’étoffer la théorie exekienne sur la médiation interculturelle et ses enjeux. Ensuite, en prenant pour phare les compétences interculturelles des médiateurs d’Exeko dans la pratique, un autre objectif est de répertorier et de reconnaître la diversité de ces compétences interculturelles pour la mettre au service de la médiation interculturelle, en faisant par exemple des transferts de connaissances.
En ayant ces objectifs en tête, c’est dans cet environnement stimulant que prend forme ma première sortie à titre d’agente de recherche : ALPA (Accueil liaison pour arrivants).
Premier atelier, jeudi après-midi de mai.
Nous sommes trois dans la salle, aux bureaux d’ALPA : Janie et Simon, les médiateur.rice.s, ainsi que moi-même. Encore très fébrile à l’idée de faire mon premier terrain exploratoire, je suis également emballée de m’allier à Janie et Simon, qui m’ont fait confiance d’emblée et qui m’intègrent avec respect dans leur espace de création d’atelier.
Le premier participant à l'atelier arrive, curieux et heureux de pouvoir discuter sur le thème du jour : le crédit. Depuis trois semaines seulement au Québec, l’envie d’apprendre est palpable chez lui. Cependant, il ne s’agira pas d’une séance d’informations, mais plutôt d’un atelier de réflexion critique sur le crédit en Occident. Que peut-on en comprendre si on s’intéresse à son histoire ? Qui bénéficie du crédit ? Qui l’offre, et qui en a besoin ?
Suite à ces réflexions critiques, par une discussion organique entre participant.e.s et médiateur.rice.s, l’atelier nous amène dans le partage des différents types de crédit, selon les pays et même d’après des continents différents. Ainsi nous découvrons ensemble des points communs entre les types de crédits utilisés ailleurs, qui se trouvent être à plus petite échelle et autogérés.
Il ressort que ces types différents de crédit sont à nouveau utilisés au Québec, par certain.e.s participant.e.s. J’ai trouvé ça très intéressant, puisqu’il s’agit d’une manière de s’approprier le crédit, crédit qui peut sembler intimidant pour plusieurs, voire synonyme d’anxiété et de problèmes. Aussi, ce type de crédit non-occidental demeure indépendant des grandes institutions financières, permet de créer une interdépendance communautaire et me semble un genre de pied-de-nez au capitalisme. Bref, j’ai été impressionnée de voir qu’en peu de temps, la subjectivité des expériences prend le pas sur l’apparente objectivité d’une notion : le crédit.
Le partage interculturel battait son plein alors que des points communs sont relevés sur les systèmes de crédits non-occidentaux, et que les rires de surprise explosent chez les participant.e.s quant aux différentes conceptions de l’utilisation de l’argent, par exemple, pour le mariage.
Deuxième atelier, mercredi avant-midi de juin.
C’est le sourire aux lèvres et par un matin ensoleillé que je vais rejoindre Janie et Simon, toujours remplis d’un entrain contagieux pour cet atelier chez ALPA. Le thème cette fois-ci ? La politique québécoise et la langue francophone.
Le premier participant arrive, avec son jeune garçon de 5 ans qui ne fait ni un ni deux, et se précipite sur ses jouets, créant une ambiance ludique et légère, avec les bruits émanant de ses jeux.
Les discussions avant l’atelier sont essentielles pour créer des liens de confiance et un environnement agréable, c’est donc tout naturellement que nous discutons de nos parcours de vie, de nos voyages à l’étranger et du parcours migratoire du participant assis à la table avec nous.
Suite à une brève histoire des partis politiques principaux du Québec faite par les médiateur.rice.s, la loi 101 est abordée. Cet atelier sur la langue francophone au Québec éveille rapidement des réflexions critiques chez les participant.e.s quant aux langues autochtones. Pourquoi ne sont-elles pas davantage reconnues ? Des parallèles avec les contextes coloniaux internationaux et la situation de l’autochtonie dans les pays d’origine des participant.e.s de l’atelier sont faits, et enrichissent les échanges.
Certain.e.s participant.e.s parlent de l’histoire des langues officielle de leur pays d’origine et les médiateur.rice.s ainsi que moi-même sommes très intéressé.e.s. Cela nous nourrit en connaissances et nous permet de remettre en question notre propre rapport à la langue française. Comment le Québec navigue-t-il entre la loi 101 et son application ? Les promesses d’un français inclusif pour les immigrants francophones se matérialisent-t-elles sur le marché du travail ?
C’est sur le thème des langues et de leur portée que se clôt ce deuxième atelier chez ALPA. Ainsi, les médiateurs proposent que, chacun son tour, les personnes autour de la table écrivent et nous racontent son mot préféré, dans la langue de son choix. Notamment ressortent le mot « Mbote », un « Bonjour » qui se fait rassembleur partout au pays d’une participante, ainsi que l’appellation « Pays des collines », surnom du pays d'origine d’une des participantes. L’histoire et les raisons pour le choix des mots permettent d’en apprendre les uns sur les autres, mais aussi sur les cultures de chacun de mots.
J’ai dans le cœur des moments précieux partagés avec Janie et Simon ainsi qu’avec les participant.e.s des ateliers, et dans la tête, un bouillonnement fertile pour l’avancement de ma recherche.
À bientôt ALPA !
Frédérique